Courriers adréssés à tous les candidats aux élections présidentielles 2007 sur les questions culturelles.
Paris, le 19 mars 2007
M. François BAYROU M. Olivier BESANCENOT M. José BOVE Mme Marie George BUFFET Mme Arlette LAGUILLER M. Frédéric NIHOUS Mme Ségolène ROYAL M. Nicolas SARKOZY M. Gérard SCHIVARDI Mme Dominique VOYNET
Madame, Monsieur,
Vous avez annoncé officiellement votre candidature aux prochaines élections à la Présidence de la République, et c’est à ce titre que la CGT-Culture, première organisation syndicale du Ministère de la Culture, s’adresse aujourd’hui à vous, ainsi qu’aux autres candidats. Plus particulièrement les personnels que nous représentons et qui ont participé à de nombreuses luttes pour défendre les moyens et les missions du ministère de la Culture, souhaitent connaître vos analyses et vos propositions concernant le devenir de ce ministère.
Il apparaît en effet, alors que tout montre que la culture constitue un enjeu de société majeur, que ce thème est quasiment absent des débats de cette campagne électorale.
Ces cinq dernières années, ce sont les raisons d’être mêmes de ce ministère qui ont été visées par les politiques mises en œuvres : budget inadapté aux missions, sous-effectif endémique, décentralisation absurde, abandon et privatisations de missions, multiplication des établissements publics autonomes remettent aujourd’hui gravement en cause le cohérence des politiques publiques culturelles. Ces « réformes » ont été prises sans débat public ni même sans réel débat parlementaire.
Ce qui est au coeur des débats et des affrontements, c’est la démocratisation de la culture ou la marginalisation du rôle de l’Etat et de toute intervention publique, mais bien également de savoir si la Culture, ses valeurs émancipatrices, sont des activités commerciales comme les autres.
Dans ces enjeux de société, la CGT a clairement choisi son camp. Dans le cadre d’un service public rénové et renforcé où les usagers comme les associations, les professionnels et les personnels doivent être associés au débat sur ses finalités, elle affirme qu’il y a bien une place irremplaçable pour le ministère de la Culture, outil de toutes et tous.
A l’opposé, les politiques menées visent à réduire les capacités d’intervention du service public culturel au plan national. Pour prendre quelques exemples :
Dans le domaine du patrimoine, les missions de l’Inventaire, de l’Archéologie préventive, du Centre des Monuments nationaux, des conservations régionales de Monuments historiques ont été profondément remises en question soit par des transferts de responsabilités aux collectivités territoriales, soit par l’abandon de la maîtrise d’ouvrage et la mise en concurrence commerciale des travaux. C’est toute la « chaîne patrimoniale » allant du recensement à la valorisation, en passant par l’étude et la protection, qui a ainsi été mise à mal.
L’effort consenti pour les Archives nationales, dont la garantie se fait encore attendre et dont la mise en œuvre manque singulièrement de transparence, ne permet toujours pas de réduire la fracture entre cette institution et les milieux de la recherche qui s’en détournent. Le désengagement de l’Etat vis-à-vis des services d’archives décentralisés s’accentue et met en péril la cohérence du réseau archivistique français. La numérisation des fonds d’archives prend un retard fatal en comparaison des programmes menés dans les bibliothèques et l’audiovisuel
Dans le secteur muséal, c’est une politique de démantèlement de la Direction des Musées de France et de la Réunion des Musées Nationaux (RMN) qui a été mise en œuvre. La RMN constituait en effet un instrument de mutualisation pour l’acquisition des collections, les publications, la conception et la réalisation d’expositions temporaires. Mais ce principe d’un fonds de soutien aux musées nationaux a été abandonné au profit d’une autonomisation des grands musées parisiens transformés en établissements publics autonomes, maîtres de leurs ressources et de leurs modalités d’action. Ces mêmes établissements ont été incités à trouver des financements extérieurs dans le cadre de contrats d’objectifs dont le but principal est la recherche d’autofinancement. C’est ainsi une politique de tourisme culturel qui se substitue à la mission de sensibilisation de nos concitoyens au patrimoine.
Le Centre national de la cinématographie a été transformé en établissement public dérogatoire permettant ainsi de ne recruter que des agents contractuels. Pourtant, de toute évidence, il s’agit bien d’un secteur où il est nécessaire de disposer de fonctionnaires indépendants de toute pression de par leur statut notamment pour la perception des taxes, pour la gestion du fonds de soutien au cinéma.
Le Musée des Monuments français, l’Ecole de Chaillot et l’Institut français d’architecture ont été transformés sans justification en établissement public industriel et commercial recrutant donc des personnels de droit privé. Il en a été de même pour le Château de Chambord.
La réforme de la direction de la Musique, de la Danse, du Théâtre et des Spectacles consacre un retour à une tutelle sectorielle et cloisonnée visant le clientélisme dans chaque domaine du spectacle et rend impossible une démarche d’ensemble, transversale, de l’Etat. Une solution globale et efficace de la question de l’emploi, pour laquelle luttent les intermittents, en sera rendue plus difficile encore.
L’enseignement supérieur et la recherche demeurent durablement les parents pauvres de la politique ministérielle. A titre d’exemple, l’enseignement de l’architecture a fait l’objet d’une réforme d’alignement sur l’Université mais le statut des enseignants n’a pas suivi et les conditions d’accueil des élèves restent déplorables : en moyenne, les crédits consacrés par l’État à la formation initiale d’un architecte sont moitié moins importants que ceux engagés pour un étudiant du Supérieur.
L’administration centrale et les services déconcentrés ont fait l’objet de plusieurs plans de restructuration destinés à accompagner les suppressions d’emplois et les abandons de missions. Aujourd’hui, les agents sont dans le plus grand désarroi. Aussi, il est légitime que ceux qui sollicitent leur suffrage fassent connaître leurs projets en ce qui concerne le rôle, l’organisation et les moyens qu’ils entendent consacrer au Ministère de la Culture.
La CGT-Culture porte des axes revendicatifs essentiels soutenus par les personnels.
L’Etat doit être un véritable opérateur culturel au service de tous, ce qui impose :
de restituer à l’Etat la maîtrise d’ouvrage sur les Monuments historiques et les fouilles d’archéologie préventive, les monuments du CMN « décentralisés » et l’Inventaire.
de revitaliser et développer le réseau culturel déconcentré des DRAC,
de revenir à une politique de péréquation et de mutualisation entre tous les musées nationaux,
de renforcer les moyens alloués à l’enseignement supérieur relevant du Ministère de la culture, notamment en engageant un plan d’urgence pour l’enseignement de l’architecture,
Protéger l’activité culturelle publique de toute marchandisation :
en excluant les missions publiques culturelles de toute mise en concurrence commerciale,
en refusant la dérive des établissements culturels vers une logique commerciale, ce qui suppose que leurs moyens de fonctionnement soient assurés, pour l’essentiel, par des crédits budgétaires.
Renforcer les moyens du Ministère de la Culture à la hauteur des besoins de la population :
doter le Ministère de la culture de crédits supérieurs au mythique 1 % du budget de l’Etat pour garantir le développement de ses missions et renforcer le soutien aux opérateurs culturels à but non lucratif.
engager un plan de créations nettes d’emplois à la hauteur des postes supprimés, des besoins non satisfaits, y compris en administration centrale, et pour résorber la précarité.
Des statuts publics pour les missions de service public :
c’est réintégrer les établissements publics administratifs (EPA) aujourd’hui placés sous un régime dérogatoire pour éviter de recruter des fonctionnaires dans la norme de l’emploi de la Fonction publique.
c’est créer, là où ils font défaut, des corps d’accueil de fonctionnaires, notamment dans le domaine de l’enseignement supérieur.
c’est transformer en EPA les établissements placés sans justification dans le domaine industriel et commercial.
Sur ces questions essentielles, les agents du Ministère de la culture, mais au delà, tous nos concitoyens, souhaitent connaître votre position, et il va de soi que nous communiquerons les réponses que vous tous apporterez.
Nous restons à votre disposition pour toute demande de précision complémentaire et sommes prêts à débattre de ces sujets avec vous ou vos collaborateurs.
Nicolas MONQUAUT Secrétaire général