Madame la Ministre,
Vous avez affirmé, dans votre discours du 28 janvier 2008, lors de la remise du prix de l’équerre d’argent : « L’architecture est l’art citoyen par excellence. Un art qu’on a trop souvent cantonné, ces dernières années à gérer l’urgence, le présent, avec les dégâts que l’on sait, alors que c’est un art fondamentalement prospectif, fondateur, utopique. Un art qui bâtit notre avenir. » Et vous avez conclu : « En oubliant l’architecture, on oublie l’homme. ».
Nous partageons cette idée.
Mais vous le reconnaissez vous-même : « La France compte deux fois moins d’architectes que la moyenne européenne par habitant. C’est tout à fait insuffisant. »
Or, pour avoir des architectes, il faut les former, et nous voulons par le biais de cette lettre vous informer de la situation particulièrement difficile que connaissent les écoles d’architecture en France.
Nous reconnaissons qu’un effort a été fait ces dernières années pour améliorer et construire de nouveaux bâtiments pour rapprocher les écoles françaises de la norme européenne de 10m² par étudiant. Mais hélas, les budgets de fonctionnement n’ont pas suivi et de nombreuses écoles se trouvent aujourd’hui au bord de la faillite.
Cette faiblesse des budgets conduit ces établissements à développer contre leur gré une politique malthusienne, alors que le nombre de demandes d’inscriptions explose, que la profession connaît des départs massifs à la retraite, et qu’elle se diversifie en multipliant les débouchés pour nos étudiants.
L’architecture correspond à un besoin social primordial. Elle peut jouer un rôle décisif dans les domaines du développement durable et de l’amélioration de la vie dans les villes et les quartiers, de l’aménagement urbain, etc… Courir le risque de manquer d’architectes dans les années qui viennent est excessivement grave. Comme vous l’avez reconnu vous-même, le nombre d’architectes doit progresser pour rejoindre la moyenne européenne et couvrir les besoins qui sont immenses.
Dans votre ministère, les étudiants architectes représentent environ 60% des étudiants, alors qu’ils ne bénéficient pas de 30% des subventions de soutien.
Les écoles, pour être mises à niveau, exigent un véritable plan d’urgence sur 5 ans, comme le gouvernement s’y est engagé pour l’enseignement supérieur.
Le coût d’un étudiant en architecture est équivalent à celui d’un étudiant d’une section générale de l’université, et bien inférieur à celui d’un collégien ou d’un lycéen. L’augmentation du budget 2008 de l’université de 1 milliard d’euros représente une augmentation de 400 euros par étudiant selon votre collègue Valérie Pécresse. Cet effort nous dit-on doit être poursuivi pendant 5 ans. Une augmentation similaire pour les écoles d’architecture aurait abondé le budget 2008 de 8 millions d’euros. Au lieu de cela, le budget de fonctionnement des écoles n’a subi aucune augmentation. Nous demandons donc, au moins, que les écoles bénéficient des mesures budgétaires accordées à l’enseignement supérieur. Cela permettrait de commencer à régler les problèmes sociaux qui rongent les écoles : précarité généralisée, multiplication de travailleurs pauvres gagnant environ 700 euros, embauchés sur du temps partiel imposé, enseignants contractuels sous-payés qui n’ont bénéficié ni des congés payés (10%), ni de la suppression de la décote avec les taux de vacations de l’université (20%).
Nous vous demandons de bien vouloir recevoir une délégation du syndicat national des écoles d’architecture CGT pour connaître vos réponses à nos revendications immédiates :
Mise en place dès 2008 d’un plan d’urgence sur 5 ans au moins équivalent à celui de l’enseignement supérieur, soit 8 millions d’euros par an, pendant 5 ans.
La suppression du temps partiel non choisi et la revalorisation des salaires des agents sur contrats d’établissement appuyée sur la grille des fonctionnaires incluant les prîmes.
La revalorisation immédiate de 20% des salaires correspondant à la suppression de la décote des contractuels enseignants sur l’article 6.1 comme le ministre s’y est engagé dans la circulaire de contractualisation des vacataires enseignants
La fusion immédiate des classes 1 et 2 des maîtres assistants et professeurs.
Mais, plus largement, nous demandons l’ouverture d’une négociation immédiate pour :
La création, au sein du Ministère, d’une Direction de l’enseignement supérieur et de la recherche
Des créations massives de postes chez les enseignants et les personnels administratifs afin de permettre une titularisation massive et la fin de la précarité.
La mise en place d’un statut d’enseignant chercheur calqué sur les grilles de celui des maîtres de conférence et professeurs de l’université.
Un repyramidage des postes administratifs et enseignants pour de vrais développements de carrière et la levée des blocages actuels.
La poursuite des projets d’agrandissement et de construction de nouvelles écoles afin de permettre de former plus d’architectes.
Nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre très haute considération.