Le cri du personnel dʼaccueil et de surveillance des musées Gustave Moreau et Jean-Jacques Henner
Madame la Ministre,
Nous vous écrivons depuis le silence des salles de musée, ce silence qui résonne désormais de colère, dʼépuisement et de dignité blessée. Nous sommes ces femmes et ces hommes que le public croise chaque jour sans toujours les voir, ceux qui gardent les œuvres, protègent le patrimoine, font vivre la culture. Nous sommes les gardiens de la beauté, les sentinelles de la mémoire et aujourdʼhui, nous sommes à bout.
Depuis plus dʼun an, nous alertons, nous supplions, nous faisons grève non par goût du conflit, mais par instinct de survie. Car ce qui se joue ici dépasse nos simples conditions de travail : cʼest la lente destruction dʼun service public, cʼest la perte du sens, cʼest lʼhumiliation dʼagents dévoués réduits au silence. Le manque dʼeffectifs chronique nous écrase. La sécurité des œuvres comme celle du public sʼen trouve menacée et pourtant, on nous demande encore de sourire. Mais le plus insupportable nʼest pas la fatigue : cʼest le mépris.
Depuis lʼarrivée de la nouvelle direction, une chape de plomb sʼest abattue sur nous. Les intimidations se succèdent, la parole se tait, les arrêts maladie se multiplient. On nous vole nos jours fériés, on nous vole notre joie de vivre, on nous vole notre dignité. On nous regarde de haut, comme si notre dévouement nʼétait quʼune faiblesse, comme si la culture pouvait se maintenir sur le dos de ceux quʼon épuise. Cʼest un mépris de classe assumé, froid, méthodique. On nous fait sentir que nous ne sommes rien, alors même que sans nous, les portes ne sʼouvriraient pas, les visiteurs ne seraient pas accueillis, les chefs-dʼœuvre resteraient dans lʼombre.
Nous dénonçons une mise en danger physique et psychologique des agents. Nous dénonçons le cynisme dʼune direction qui brise les corps et les consciences au nom dʼune fausse rigueur. Nous dénonçons un système où le travail, au lieu dʼémanciper, aliène et détruit.
Madame la Ministre, nous ne venons pas quémander la pitié.
Nous réclamons justice. Justice pour ces agents que lʼon épuise. Justice pour ce patrimoine que lʼon fragilise. Justice pour la culture que lʼon prétend servir mais que lʼon piétine en silence. Nous exigeons que la dignité redevienne le socle du service public. Nous exigeons que les voix des agents soient entendues, respectées, considérées. Nous exigeons que la réouverture dʼune négociation pleine et sincère soit mise en place pour restaurer un climat de confiance, de respect et dʼhumanité. Car nous aimons profondément notre métier, et cʼest justement pour cela que nous refusons de le voir défiguré. Nous ne voulons pas partir, nous voulons être fiers à nouveau.
Madame la Ministre, entendez notre cri.
Ce nʼest pas celui de la révolte, cʼest celui de la conscience. Nous ne parlons pas seulement pour nous, mais pour tous ceux qui, dans lʼombre des musées et des monuments, tiennent debout la culture. Et si nous élevons la voix aujourdʼhui, cʼest parce que le silence est devenu une faute.
Le personnel dʼaccueil et de surveillance, Établissement public Moreau-Henner
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