Lettre ouverte de la CGT-CMN à Monsieur Philippe Bélaval
Président du Centre des Monuments Nationaux
Et futur conseiller culture du Président de la République
Monsieur le président,
Ces vœux pour l’année 2023 seront les derniers que vous ferez à la tête du CMN. Vous serez en effet d’ici quelques jours conseiller culture du président de la République.
Nous ne pouvons qu’espérer, monsieur le président, que dans vos prochaines fonctions vous porterez la défense d’un ministère de la culture et d’un établissement public, le CMN, qui sont bien mal en point.
Vous êtes arrivé à la tête de l’établissement en 2012 après l’élection du président Hollande. Madame Aurélie Filippetti, ministre de la culture, vous a nommé pour mettre fin à une période violente sous la présidence de Madame Isabelle Lemesle. Si les relations se sont apaisées, les problèmes n’ont pas pour autant disparu.
Aurélie Filippetti, prenant ses fonctions, disait que le ministère de la culture avait été saigné à blanc dans ses effectifs suite à la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques) voulue par le président Sarkozy. « Non remplacement d’un fonctionnaire sur deux », « Faire plus avec moins » disait-il. Si la situation était déjà critique, que dire aujourd’hui ? Les filières d’exécution ont vieilli et se sont réduites, les équipes du siège – comme des monuments – sont en sous-effectif avec un périmètre de l’établissement qui n’a cessé de s’élargir et ses missions de s’étoffer.
Si nous pouvons saluer votre action d’avoir porté des projets aussi ambitieux que ceux de l’Hôtel de la Marine et du château de Villers-Cotterêts, future Cité internationale de la langue française, cela s’est fait sans les effectifs suffisants.
Dès lors, il n’y a pas de formule magique : les missions ont du mal à s’effectuer faute d’effectifs et l’on fragilise les travailleurs soit par un recours à une précarité de l’emploi massive et structurelle soit en les faisant disparaître à coup d’externalisation qui coûte « un pognon de dingue » à l’établissement.
Malgré les années COVID, la politique économique du CMN est toujours plus axée sur l’augmentation des ressources propres (sur-fréquentation des sites et développement du mécénat) percutant nos missions de conservation des monuments et des collections, de sécurité-sûreté et d’accueil des publics. La politique tarifaire vient également percuter l’accessibilité des monuments pour une partie des publics. Cela interroge sur la finalité de nos missions à savoir : ou faire gonfler le chiffre d’affaires ou diffuser et partager la culture à tou.te.s.
Les jardins sont en déperdition – même si une toute récente reprise en main s’opère – alors qu’ils devraient être une source de fierté au même titre qu’un monument bâti et qu’ils répondent à une forte attente des publics. Ils sont également un enjeu environnemental dans la période d’écocide que nous vivons.
Alors que l’on en demande toujours plus aux agents, le manque d’effectifs pousse de plus en plus d’agents à effectuer des heures de travail non rémunérées, il est également facteur de souffrance au travail et génère de nombreux départs. Parallèlement, en dix ans, la révision du cadre de gestion des contractuels qui faisait partie de votre lettre de mission, n’a pas vu le début d’un commencement de négociations ! Les grilles salariales des contractuels comme des fonctionnaires ne sont toujours pas à la hauteur de leurs qualifications et de leur investissement !
Votre poste auprès du président de la République doit être l’occasion d’une prise de conscience pour que l’Etat remplisse pleinement ses missions de transmission du patrimoine aux générations futures. Pour cela, il faut les moyens financiers, les emplois statutaires adéquats ainsi qu’une médiation culturelle de qualité permettant aux publics de s’approprier ce patrimoine. Pour les agents, c’est leur donner les moyens de travailler dans la dignité en redonnant du sens au service public culturel. Les missions de l’établissement ne sauraient se limiter à la recherche effrénée de ressources propres au détriment de ses missions historiques. Paris, le 18 janvier 2023.
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