La culture, un ministère à la croisée des chemins
Le ministère de la culture est à la croisée des chemins. En effet, si la raison d’être de nos établissements est d’ouvrir en grand leurs portes au plus grand nombre, la mondialisation et le développement exponentiel du tourisme sont venus poser une question nouvelle, particulièrement importante et complexe : celle de l’hyper fréquentation.
L’hyper fréquentation, une réalité incontournable
Les musées et les monuments historiques, les expositions temporaires et, dans une moindre mesure, les bibliothèques publiques connaissent une fréquentation impressionnante. En Ile de France mais aussi dans de nombreux sites en régions, chaque année des records sont battus. Quand on pense hyper fréquentation, on pense immédiatement et naturellement au Louvre, à Versailles, à Orsay, au Centre Pompidou, à l’Arc de Triomphe, à la Sainte-Chapelle, aux Tours de Notre-Dame mais aussi au Mont-Saint-Michel ou encore, entre autres, à la Forteresse de Carcassonne.
De l’engouement et du succès à la saturation
Cet incontestable succès tient certainement à la fois à l’engouement croissant pour notre patrimoine, à la montée en puissance des pays dits « émergents » ainsi qu’à une forme de démocratisation du transport aérien et des voyages à l’international.
Mais aujourd’hui les chiffres sont tels que sont pêle-mêle sur la sellette : la conservation et la préservation du patrimoine bâti et des collections ; les conditions d’accueil des publics et le concept même de visite ; les conditions de travail des personnels et le devenir des métiers de la culture.
Les musées et les monuments que les gouvernements et les ministres de la culture successifs, toutes tendances politiques confondues, ont voulu plus autonomes, plus autofinancés, plus rentables arrivent à présent à un point de saturation.
Quand les conditions d’accueil des publics et les conditions de travail deviennent insupportables
Or les conditions dans lesquelles nous accueillons les touristes venus des cinq continents ne font pas honneur à la France. Elles sont également et de plus en plus une blessure à la mission et au travail de nos collègues. Elles sont vécues comme un échec, une dérive incontrôlable mais aussi comme une souffrance et ce jusqu’à poser une question essentielle de santé au travail.
La responsabilité écrasante des pouvoirs publics
Face au climat de tension permanente qui pèse sur nos établissements et nos collègues, les pouvoirs publics portent une lourde responsabilité.
L’esprit des affaires contre les affaires de l’esprit
Privilégiant depuis près de quinze ans l’esprit des affaires aux affaires de l’esprit, aveuglés par la culture du chiffre et empêtrés dans la technostructure, les décideurs se sont refusés à débattre de ces bouleversements et de leurs conséquences malgré nos demandes maintes fois réitérées.
Culture « bankable » versus service public de la Culture
Les responsables politiques ont privilégié sur le long temps une conception de la culture « bankable » et des circuits de visite commerciaux focalisés sur les œuvres star. Ils ont ainsi peu à peu renoncé à un service public réellement ouvert à toutes et à tous, sans aucune discrimination, et pensé comme la pierre angulaire de l’émancipation, elle-même indispensable à la construction d’une démocratie culturelle. Les publics que l’on dit « empêchés » ou défavorisés sont en fait des publics abandonnés. Et l’on retrouve en cela le drame des territoires « délaissés » et, en vérité, maintenus aux marges de la République.
Le modèle culturel français en question
La CGT quant à elle n’a eu de cesse de souligner toute l’importance de ces enjeux. Il est grand temps que ceux qui nous gouvernent acceptent de voir la réalité en face. C’est notre modèle culturel qui est touché au cœur par ces évolutions économiques et sociétales et on ne gagnera rien à faire la politique de l’autruche.
Soyons imaginatifs, généreux et solidaires pour deux
Ce qui est certain, c’est que cela ne peut plus continuer ainsi. Les missions et les métiers de l’accueil des publics doivent être reconnus et valorisés. La diversification des parcours de visite – lorsque c’est possible – est probablement l’une des pistes à explorer de toute urgence. Cela nécessite évidemment des moyens humains supplémentaires et des emplois statutaires et qualifiés pour concevoir et mettre en œuvre des modalités nouvelles de médiation qui s’adressent enfin à tous les publics et notamment les plus éloignés de la culture.
L’accès et le droit à la culture, notre combat à tous
Le service public de la culture ne peut pas se limiter aux zones touristiques internationales chères à Monsieur Macron. L’accès et le droit à la culture valent pour l’ensemble de la population quel que soit le territoire. Le service public doit s’appuyer sur la richesse de tout son réseau pour se déployer pleinement et si nécessaire en coopération avec les collectivités territoriales.
Paris, le 12 octobre 2015