Le Sénat a adopté, après déclaration d’urgence, en première lecture le 29 avril le projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la Fonction Publique. Il sera maintenant examiné dans le courant juin à l’Assemblée.
Ce texte est la concrétisation des orientations du Président de la République énoncées le 19 septembre 2007, lors de son intervention à l’IRA à Nantes. Il s’inscrit explicitement dans le cadre de la Révision Générale des Politiques Publiques et en constitue la boîte à outils. Il est le volet « gestion de ressources humaines » de la RGPP, volet transversal en complémentarité avec les volets sectoriels, ministériels.
Ce projet de loi, pour ses concepteurs, est une « bombe » qui doit « faire sauter tous les verrous ». Et effectivement s’il est adopté en l’état, il modifiera profondément la Fonction Publique telle qu’on la connaît actuellement.
La CGT est favorable à l’amélioration de la mobilité, interne à chaque versant de la Fonction publique et entre les versants, dans le respect des principes statutaires. Effectivement, parmi les grands principes posés par la loi de 1983 fondatrice de la Fonction publique, dans ses trois volets de la Fonction publique d’Etat, de la Fonction publique territoriale et Fonction publique hospitalière figurait aux côtés de la parité et de la comparabilité le principe de la mobilité.
Mais, ce n’est pas la voie prise par ce gouvernement, le projet de loi ne répond pas à cette exigence d’amélioration. Bien au contraire, il confirme deux objectifs, maintes fois réaffirmés par le gouvernement : « ne remplacer qu’un départ en retraite sur deux » et « alléger fortement le budget de l’Etat ».
Le développement de la mobilité ?
Les articles 1 à 6 ont trait à la mobilité géographique et statutaire.
Dans ses communiqués de presse, le secrétaire d’Etat chargé de la Fonction publique propose de supprimer tous les obstacles, notamment statutaires, à la mobilité. Mais, cette loi n’évitera pas que la mobilité représente actuellement un parcours du combattant pour les fonctionnaires. Bien au contraire, rappelons tout de même qu’aujourd’hui le principal frein donné aux agents du Ministère de la Culture désireux d’être détaché ne relève pas de particularisme de corps, mais d’absence de postes budgétaires. Le ministère n’accepte plus de détachements, parce qu’il a désormais réduit sa vacance d’emplois et atteint donc son plafond d’emplois.
La remise en cause de la position d’activité
Par les articles 7 et 8, le gouvernement procède à une profonde remise en cause des garanties statutaires qui aujourd’hui obligent l’administration à affecter un agent titulaire sur un emploi à temps complet correspondant à son grade.
En effet, l’article 7 envisage une nouvelle position statutaire : la réorientation professionnelle, situation dans laquelle un fonctionnaire privé d’affectation par suite d’une suppression ou d’une modification substantielle de son emploi bénéficie d’actions d’accompagnement organisées par son administration dans le cadre d’une convention.
Pendant cette période, l’agent reste géré et rémunéré par son administration d’origine, bénéficie d’actions de formation ou de reconversion professionnelle et peut être conduit à exercer des missions temporaires auprès de d’autres services.
La réorientation professionnelle prend fin lorsque le fonctionnaire accède à un nouvel emploi, mais surtout elle peut prendre fin à l’initiative de l’administration, lorsque le fonctionnaire a refusé successivement trois emplois publics correspondant à son grade et à son projet personnalisé d’évolution professionnelle, le fonctionnaire sera alors placé d’office en disponibilité.
Nous pouvons faire confiance… toute relative évidemment, en l’administration qui appréciera elle-même si elle a accompli toute diligence pour affecter l’agent dans les emplois créés ou vacants correspondant à son grade et à son projet personnalisé d’évolution professionnelle.
Ce texte introduit donc bien le licenciement des fonctionnaires sous une forme à peine déguisée, car la phase préalable de réorientation professionnelle évoquée par le texte ne trompe personne.
Les conditions de mise en œuvre de ces dispositions devraient être fixées par un décret en Conseil d’Etat que rien ne précise actuellement.
L’article 8 généralise les possibilités d’affectation sur des emplois à temps incomplet.
Cette généralisation n’apportera aucune sécurité pour le fonctionnaire à qui il appartiendra d’aller chercher par ses propres moyens un complément de salaire. C’est la porte ouverte en grand au recrutement d’agents publics à multi employeurs et pour la Fonction publique d’Etat une atteinte importante au principe selon lequel un emploi statutaire est un emploi à temps complet. Ainsi, la précarité chez les fonctionnaires s’installerait durablement comme dans le privé, ceci sans aucune mesure de consolidation du décompte du temps de travail, de mesures de l’amplitude de celui-ci…
Le recours à l’intérim
Pour « créer les conditions qui permettent d’assurer la continuité et l’adaptation du service », le projet de loi prévoit, dans les trois Fonctions publiques, la possibilité de remplacer un agent absent par un agent contractuel ou donc recourir à l’intérim (articles 9 et 10).
Ainsi, l’article 10 modifie le Statut général et le Code du Travail pour prévoir le recours à l’intérim par des organismes publics, qui pourront dans ce cadre pourvoir rapidement de vacances temporaires d’emploi ou faire face à des besoins occasionnels, saisonniers ou à des surcroîts d’activité. Cette mesure limiterait la reconstitution d’un volant d’emplois précaires dans l’administration indique cyniquement l’exposé des motifs. La nuance entre intérim et emploi précaire est effectivement subtile…
Là où l’administration voit « les conditions pour assurer la continuité et l’adaptation du service, nous voyons nous une externalisation du remplacement des personnels absents.
Nombre de ces mesures sont des atteintes importantes au Statut général. Pourtant, ce texte est considéré par son rapporteur au Sénat comme transitoire et technique. Il n’est que l’avant goût de ce qui attend les fonctionnaires, puisqu’un projet de loi de refonte de la Fonction publique doit être présenté dans les prochaines semaines.
Le Livre Blanc ou la fin du statut de la Fonction publique ?
Ce projet de loi devrait s’appuyer sur le Livre Blanc de Jean Ludovic Silicani, remis le 17 avril au ministre chargé de la Fonction publique.
Jean Ludovic Silicani propose « un nouveau modèle » de Fonction publique, puisqu’il considère que l’actuel système est « à bout de souffle ». Le sous titre du rapport « faire des services publics et de la Fonction publique des atouts pour la France » est d’ailleurs significatif, puisqu’il considère a contrario que ce sont aujourd’hui des handicaps pour notre pays.
Première suggestion de l’auteur du rapport : l’introduction du mérite dans la rémunération par l’intermédiaire des entretiens d’évaluation; il propose que « chaque agent public ait deux composantes dans sa rémunération, une qui rémunère son grade et une qui rémunère sa fonction ». La part de l’avancement automatique serait réduite au profit de la part liée à l’emploi occupé et à la performance.
Autre innovation : redéfinir la place du contractuel. Il suggère que sur le même emploi, il soit possible d’avoir indifféremment soit un fonctionnaire, soit un contractuel, ce qui conduit à un élargissement discret, mais certain de possibilités de recourir à l’emploi non statutaire. De plus, l’administration pourrait embaucher sur des contrats de droit privé dans 5 cas : carrières courtes, besoins occasionnels, compétences spécialisées, salariés issus du privé, personnes ayant des difficultés pour accéder aux concours (sans diplômes, handicaps, seniors).
Pour mettre fin au cloisonnement des carrières, le rapporteur propose de simplifier l’organisation de la Fonction publique de l’Etat en revenant de 700 corps à une cinquantaine de cadres statutaires auxquels correspondraient des familles de métiers comparables (7 grandes filières : administration générale, financière et fiscale, sociale, éducation et recherche, culture, technique, sécurité).
Oui, il y a des réformes à entreprendre pour faire en sorte que la Fonction publique remplisse encore mieux son rôle auprès de toute la population. La CGT est porteuse de nombreuses propositions allant dans ce sens.
C’est pour ces raisons qu’il faut engager une mobilisation contre ces projets de textes, véritables machines de guerre contre l’emploi et
les missions publiques.
Retrouvons-nous : pour dire NON à la Restriction Générale des Politiques Publiques
POUR une Fonction publique répondant toujours mieux aux besoins de toute la population
L’heure est à nous retrouver tous ensemble
dans l’action ce jeudi 15 mai.
Paris, le 9 mai 2008