Le 22 juin 2012, dans son discours prononcé lors des journées nationales de l’archéologie à Saint-Rémy de Provence, Aurélie Filippetti annonçait sa volonté d’évaluer et, éventuellement, de modifier la loi de 2003. Elle a à cet effet installé une commission d’évaluation scientifique, économique et sociale du dispositif d’archéologie préventive. Nous avons déjà exprimé dans un communiqué notre opinion sur la composition de cette commission.
Il n’en reste pas moins que le SGPA-CGT tient à prendre sa part dans les débats !
Le résultat est une plate-forme comprenant un quatre pages (texte ci-dessous) qui synthétise nos propositions et trois annexes (téléchargeables en bas de cette page et que nous vous invitons vivement à lire), la première sur les conséquences de la loi de 2003, la seconde sur le financement de l’archéologie préventive et la troisième sur la collaboration entre l’Inrap, les collectivités territoriales et les Services Régionaux de l’Archéologie.
Au bout de 10 ans, le bilan de la loi de 2003 est accablant et les retombées désastreuses, alors que la majorité des découvertes archéologiques faites en France, proviennent de l’archéologie préventive et qu’elles renouvellent d’autant la connaissance scientifique. La mise en concurrence sur le seul critère économique tire l’ensemble de la profession et de la discipline vers le bas à la fois socialement mais aussi scientifiquement. Elle a ainsi rompu la chaîne scientifique, qui va de la prescription à la publication en passant par la fouille. Toutes les composantes sont touchées (cf. annexe 1).
Dans les SRA, les réductions d’effectifs ne permettent plus d’assumer la totalité des missions, gage d’une bonne politique patrimoniale et scientifique.
Dans le cadre de l’attribution de la maîtrise d’ouvrage aux aménageurs, la concurrence sur le critère exclusif du prix aggrave les conséquences du dumping social et scientifique induits par la mise en concurrence des fouilles archéologiques, au détriment de la recherche archéologique et des personnels – tous services et opérateurs confondus. À l’Inrap, le bilan scientifique et le bilan social s’effacent devant le bilan comptable. Les collectivités territoriales précarisent à tour de bras et la concurrence exacerbée entre opérateurs privés renforce les plus cupides d’entre eux, aboutissant à une archéologie de prestation de service et de purge des sites archéologiques.
Le SGPA-CGT demande l’abrogation de la loi de 2003.
• La maîtrise d’ouvrage.
La loi de 2003 en transférant la maîtrise d’ouvrage des fouilles archéologiques aux aménageurs a créé une source de graves dysfonctionnements qui a non seulement engendré la réalisation de fouilles déplorables mais a surtout installé un système où les critères financiers priment sur les critères scientifiques et patrimoniaux.
Le SGPA-CGT demande le retour de la maîtrise d’ouvrage des fouilles à l’Etat.
Cela mettrait aussi un terme aux désirs à peine voilés de certains de créer des bureaux d’études d’assistance privée à maîtrise d’ouvrage, symboles du système ultralibéral et véritables poules aux œufs d’or.
• Les services régionaux de l’archéologie.
Les SRA doivent continuer à être identifiés en tant que services des DRAC chargés de l’instruction des dossiers d’aménagement du territoire, de la coordination de la recherche et de la prescription archéologique.
Cette dernière décennie, l’emploi dans les SRA a reculé (de 274 en 2002 après intégration des agents de la carte archéologique à 254 en 2010) tandis que la charge de travail a littéralement explosé, notamment depuis la mise en application de la loi 2003.
Le cumul des charges administratives et scientifiques et les pressions diverses pèsent fortement sur l’activité scientifique des agents qui ont de plus en plus de mal à poursuivre leurs propres programmes de recherche.
Les possibilités d’évolution de carrières des agents n’existent plus réellement depuis plusieurs années. En l’absence de concours adaptés, les rares remplacements de personnels partis en retraite se font presque toujours par des détachements ou des contrats de mobilité, ce qui par ricochet exclut tout concours interne et toute possibilité de promotion.
Le SGPA-CGT demande un renforcement des effectifs dans les SRA, de vraies perspectives d’évolution de carrière pour les agents et des concours adaptés.
• Le financement.
Le financement public devra être pérennisé et plus fortement mutualisé en élargissant la taxe d’aménagement afin qu’elle puisse financer, en plus de la recherche et les diagnostics, les fouilles les moins complexes. Celles-ci devront être prises en charge par l’Inrap et les Collectivités territoriales, selon une clé de répartition proche de celle en vigueur pour les diagnostics.
Le SGPA s’oppose toutefois à une globalisation totale du financement. Cette globalisation donnerait, de fait, un droit aux aménageurs à demander la libération des emprises de tous les projets d’aménagement, y compris ceux contenant les sites complexes dont le coût de la fouille est très élevé. En effet, le budget, même augmenté, ne permet pas de financer la fouille de tous les sites complexes pour lesquels la conservation in situ doit continuer à être privilégiée.
Le SGPA-CGT propose de péréquer une partie des fouilles, les moins coûteuses, les moins denses en vestiges, les plus petites en surfaces et les moins stratifiées.
Cette disposition correspondrait à deux tiers du nombre des fouilles mais à un tiers de leur coût global. L’attribution des fouilles pourrait se faire selon le même système que les diagnostics, cette péréquation impliquerait une adaptation plus souple des budgets, en fonction des résultats des décapages. Les délais et procédures seraient notamment raccourcis (cf. annexe 2).
• Collaboration entre l’Inrap, les Collectivités territoriales et les SRA.
Si les autres services publics de l’archéologie (CNRS, Universités, Musées.) sont bien concernés par le développement nécessaire des collaborations, il n’en reste pas moins vrai que la mission principale des SRA de l’Inrap et des services archéologiques de collectivité est liée à l’archéologie préventive. Ils sont ainsi confrontés quotidiennement aux problèmes qui lui sont spécifiques. Il en découle que la relation, la coordination et la collaboration de ces entités/institutions est l’enjeu majeur d’une archéologie préventive de service public (cf. annexe 3).
Le SGPA-CGT propose la constitution d’un pôle public, fondé sur ces trois piliers qui devrait permettre de constituer un vrai service public de l’archéologie.
• Les organismes consultatifs
Le rôle du Conseil National de la Recherche Archéologique (CNRA) et des Commissions Interrégionales de la Recherche Archéologique (CIRA) est primordial. Mais la procédure de nomination de leurs membres aboutit à un manque préjudiciable d’indépendance face à l’administration du Ministère de la Culture et au pouvoir politique. Les dérives observées ces dernières années en matière de délivrance des agréments l’ont malheureusement bien démontré.
Au CNRA, les seuls membres élus sont les représentants des CIRA élus au sein de chaque instance par les membres de leur commission. Mais ce dispositif n’a aucune valeur démocratique puisque les membres des CIRA sont nommés et non élus. Les opposants à la démocratisation des instances en archéologie avancent que ce type d’élection est trop compliqué à mettre en œuvre et ne garantit pas une représentation de toutes les périodes chronologiques. Si, en effet, l’exercice de la démocratie coûte un peu de temps et d’argent, ces coûts n’ont rien d’insurmontable. Pour que les communautés scientifiques soient indépendantes, leurs instances représentatives doivent être démocratisées : les représentants scientifiques du CNRA, des CIRA et du Conseil scientifique de l’Inrap doivent être élus par leurs pairs. Le CNRA doit définir la programmation archéologique nationale. En s’appuyant sur les CIRA, il doit évaluer et orienter les politiques scientifiques archéologiques menées par l’ensemble des services publics de l’archéologie.
Le SGPA-CGT demande la démocratisation des CIRA et du CNRA par l’instauration d’élections.
• La recherche.
La précarité accrue, induite par la loi de 2003, et la concurrence inter-institutionnelle artificielle résultant de la libéralisation des politiques publiques depuis 10 ans contribuent à dégrader fortement le contexte scientifique général. Il apparaît souhaitable de mettre l’ensemble des acteurs dans un cadre de collaboration de recherche et de renforcer de manière volontariste les réseaux et les pôles inter-institutionnels.
La recherche, et sa programmation, doivent prendre en compte toute la chaîne opératoire de l’archéologie préventive, et résulter d’une étroite collaboration entre les services publics concernés. Cette chaîne concerne les cinq composantes du service public (CNRS, Universités, Services de l’Etat, Collectivités Territoriales, Inrap) et cette programmation ne pourra être acceptée et effective que si le rôle de chaque institution publique y est reconnu et intégré.
La politique de recherche répond au principe du diagnostic systématique et de la sauvegarde des sites archéologiques par la fouille, l’étude et leur valorisation. Les prescriptions, les méthodes de fouille et l’exploitation de l’ensemble des données doivent faire l’objet d’un échange permanent entre les différents services publics.
Les moyens de la recherche en archéologie préventive doivent, sous certaines conditions, dont notamment l’avis du Conseil scientifique de l’Inrap, être ouverts aux personnels des services publics de l’archéologie.
Ce dispositif aurait pour avantages de développer et renforcer les collaborations Inrap/collectivités territoriales, d’éviter le morcellement des moyens alloués à la recherche (ils seraient octroyés selon les mêmes critères par une seule instance indépendante issue de l’expression démocratique de la communauté scientifique) et de favoriser le regroupement des données scientifiques.
Il est important aussi que le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche assume sa part du financement de la recherche archéologique.
Le SGPA-CGT revendique une augmentation substantielle du budget de recherche, avec notamment une participation plus forte du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.
Le SGPA-CGT demande la mise en place d’un dispositif qui permettrait aux personnels des services publics de l’archéologie, sans décentraliser la mission de recherche, de bénéficier des moyens alloués à la recherche.
• Emploi, mobilité.
Contrairement à de nombreux autres métiers ou professions, les archéologues n’ont jamais réussi à faire reconnaître entièrement leur spécificité.
Le SGPA-CGT préconise la mise en place de recrutements adaptés et homogénéisés pour l’Etat, les collectivités et l’Inrap.
Les plans de recrutement de l’Inrap sur dossier et avec des commissions issues du Conseil scientifique (donc constituées de membres élus par leurs pairs) peuvent servir de modèle. Les commissions doivent être représentatives de la recherche archéologique publique.
Que ce soit dans les Services Régionaux d’Archéologie, les collectivités territoriales ou l’Inrap, la situation est très insatisfaisante à tout niveau, précarité, déroulement de carrières, mobilité, passerelles, évaluation, reconnaissance …
Un statut unifié d’archéologue public consoliderait la stabilité professionnelle et autoriserait de véritables perspectives de carrière pour l’ensemble des archéologues avec tous les corollaires souhaitables en terme de reconnaissance, de mobilité, de salaire et de retraite.
Le SGPA-CGT revendique un statut unifié d’archéologue pour l’ensemble des archéologues des services publics.
• Le mobilier archéologique.
Le statut de la propriété du mobilier demeure quasiment celui fixé par la loi de 1941, à la différence que le propriétaire du terrain peut renoncer à la part qui lui revient au profit de l’Etat et que la collectivité territoriale peut demander le transfert à titre gracieux de la propriété des mobiliers appartenant à l’Etat. Ce statut est incompatible avec le caractère de bien commun qui s’attache au patrimoine culturel. Les vestiges archéologiques dont la valeur essentielle est l’intérêt scientifique doivent être la propriété de l’Etat.
Le SGPA-CGT demande que la propriété des vestiges archéologiques revienne à l’Etat.
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