Nouvel assaut contre les DRAC
Courant septembre, à l’occasion de la présentation du budget 2007, le Premier Ministre à Amiens, puis Renaud Donnedieu de Vabres, ont annoncé une nouvelle série de mesures qui, si elles étaient mises en œuvre, consacreraient la fin des Conservations Régionales des Monuments Historiques (CRMH). Les mesures envisagées se situent dans le prolongement de l’ordonnance du 8 décembre 2005 qui retire à l’État toute possibilité (hors péril imminent) d’exercer la maîtrise d’ouvrage sur les Monuments Historiques appartenant à des collectivités ou des propriétaires privés. Plus d’un an plus tard, la loi de ratification de cette ordonnance n’a toujours pas été inscrite à l’ordre du jour du Parlement, ce qui ôte à la représentation nationale toute possibilité d’amendement malgré de nombreuses protestations d’élus et de propriétaires impécunieux.
Aujourd’hui, le gouvernement entend franchir une étape supplémentaire. Une modification du Code du Patrimoine serait opérée par le biais de l’article 30 du projet de loi de finances pour 2007 qui prévoirait que désormais le Centre des Monuments Nationaux exercerait les missions de maîtrise d’ouvrage (actuellement exercées par les CRMH) et de maîtrise d’œuvre (réalisée aujourd’hui par les architectes des bâtiments de France (ABF)) sur les monuments dont il est propriétaire. Au-delà, le même article ouvre la possibilité pour le même CMN d’exercer les missions des cellules Travaux-Marchés des DRAC sur tous les autres monuments affectés au Ministère de la Culture.
De toute évidence, les prochaines échéances électorales poussent le Ministère à la précipitation : avant même la ratification de l’ordonnance et l’adoption de la loi de finances qui sera vue par le Sénat le 8 décembre, le CTPM du 16 novembre a examiné le décret d’application, la réforme devant entrer en application au 01/01/2007. Aucun des amendements présentés par la CGT n’a été retenu. Les projets les plus fantaisistes sont avancés puisque, selon le Président du CMN, cet établissement pourrait être organisé :
en cellules maîtrise d’ouvrage régionale ou interrégionale
en unité de proximité qui assureront la gestion et la présentation au public de plusieurs monuments
et enfin, en directions interrégionales qui seraient chargées d’assurer la coordination administrative de l’ensemble.
Quoiqu’il en soit, le projet de décret est resté muet sur ces questions puisqu’il renvoie l’organisation future du CMN à de simples décisions du conseil d’administration.
Dès 2007, le transfert de compétences concernerait les régions PACA, Centre et Ile-de-France. Ces transferts concerneraient 33 emplois des DRAC, du Service national des travaux (SNT) et vraisemblablement de certains services départementaux de l’architecture et du patrimoine (SDAP). A terme, l’audit de modernisation rendu public par le Ministère du Budget au mois d’avril précise « les bénéfices attendus de la réforme » , à savoir la suppression de 70 emplois dans les services déconcentrés et le transfert de dizaines d’autres vers le CMN.
Dans le même temps, concernant l’accueil du public, le texte de présentation du PLF 2007 précise que « le CMN veillera à optimiser l’allocation de ses dépenses sur ses monuments en fonction de leurs caractéristiques de fréquentation ». C’est le projet d’ouverture par intermittence des monuments les moins « rentables » qui est ainsi mis en œuvre.
Cette frénésie libérale ne s’arrête pas là puisque la DAPA a confirmé que d’autres textes étaient également en préparation, qui transcriraient en droit l’annonce faite par Villepin à Amiens. Dans un proche avenir, le propriétaire pourrait mettre en concurrence commerciale les architectes des conservations des monuments historiques (ACMH) et les ABF avec les architectes privés, ce qui consacrerait la fin du rôle de l’État en tant qu’opérateur garant de la qualité de la restauration et de l’entretien du patrimoine monumental.
Après les mauvais coups portés contre les missions des Services régionaux de l’archéologie en 2003, le transfert de l’Inventaire aux régions en 2004, et les dizaines d’emplois laissés actuellement vacants, c’est une nouvelle offensive qui est lancée aujourd’hui contre les services déconcentrés du Ministère. Si demain les CRMH, une partie des SDAP, et les services gestionnaires de crédits de restauration étaient transférés au CMN, il ne resterait plus des DRAC qu’une coquille pratiquement vide.
Les seuls combats perdus d’avance sont ceux que l’on ne mène pas. La CGT entend se battre pied à pied pour faire obstacle à ces projets de casse pure et simple de services qui ont précédé à la création du Ministère, et entend lutter contre l’abandon de missions essentielles pour la préservation du patrimoine national.
La CGT prend l’attache des groupes parlementaires, des partis politiques et de la presse pour que ces mauvais coups soient portés au grand jour. Pour appuyer cette démarche, la CGT invite tous les représentants en région à convoquer des CTPR sur ces sujets, et à adresser des motions aux élus locaux, notamment aux sénateurs, pour qu’ils refusent d’accepter en l’état l’article 30 de la Loi de Finances. Au-delà, la CGT entend enfin construire une large unité syndicale afin que la mobilisation des personnels arrête le bras des casseurs.
Paris, le 17 novembre 2006