Politique Culturelle : soldes … avant liquidation ?

Nous vivons un tournant décisif et singulièrement grave dans l’histoire des politiques culturelles en France. Au cœur de l’idéologie du projet présidentiel, l’idée même que la culture relève d’une responsabilité publique est aujourd’hui remise en cause.

Le dogme du « moins d’Etat » entraîne une réduction des missions et des moyens d’intervention du Ministère de la Culture, ainsi qu’une « culture de résultat » basée sur de pseudo indicateurs, purement comptables, établis par un consultant privé, Mars & Co.


La lettre de mission adressée à Christine Albanel, les réformes des structures du ministère dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et les restrictions budgétaires actuelles et à venir – et dont le spectacle vivant et l’action culturelle souffriront en premier chef – font partie d’une vaste opération de démantèlement d’une politique menée par un Ministère qualifié de « pilote », alors même que son budget ne représente qu’à peine 1 % du budget de l’Etat.

Cela se caractérise par :

 des gels budgétaires et des désengagements financiers, partout où la participation de l’Etat serait jugée dérisoire. Ce ne sont pas les quelques 37 millions pour le spectacle vivant agités comme les grelots du bouffon qui nous rassurent, et ce d’autant moins que la Ministre vient d’annoncer qu’ils serviront aussi à l’action culturelle cinématographique et aux festivals !

 Compte tenu de ces restrictions, le gouvernement va procéder à de nouvelles vagues de transferts de charges sur les collectivités territoriales : monuments, musées, entreprises de création, de diffusion, festivals…et il encourage l’accroissement de la part de financements privés dans le budget de tous les établissements sous tutelle du Ministère.

Cela se traduit par :

 le placement de plusieurs musées nationaux sous le régime « industriel et commercial », pour augmenter l’influence du « marchandising » dans leurs budgets,

 le transfert de l’activité d’établissements du Ministère vers des filiales privées, notamment dans le secteur de l’archéologie préventive ou de la Réunion des Musées nationaux,

 les projets de commercialisation (vente et location) des œuvres d’art et objets des collections publiques, mais aussi des dites « marques » culturelles, et des savoir faire, (la « marque » Louvre cédée aux Emirats d’Abou Dabi contre 400 millions d’euros) ;

 la soumission de la création et des opérateurs culturels à des critères comptables dits de « performance », « parts de marché du cinéma français », « impact des rénovations sur les niveaux de fréquentation », « part des transactions mondiales du marché de l’art réalisées en en France », « volume d’exportation des produits culturels », bref une conception utilitaire de la culture, de la pensée et de l’art.

Tout cela s’inscrit dans une campagne ayant pour thème « les idées que la « gauche » n’a pas su mettre en place ». Deux exemples :

 « la gratuité des musées » : toutes les expériences européennes démontrent pourtant qu’elle ne suffit pas à un élargissement des publics.

 « la suppression totale de la publicité dans l’audiovisuel public » : celle-ci constitue un cadeau royal pour les chaînes privées et préfigure la réduction du périmètre de l’audiovisuel public car les pertes de ressources ne seront pas compensées ( il n’est pas question d’augmenter la redevance) et sa fragilisation servira de prétexte à la privatisation d’une des chaînes.

Pour faciliter cette dérive vers les lois du marché :

 le gouvernement « allège » jusqu’à faire disparaître des pans entiers de l’administration de l’Etat par le biais d’une réduction draconienne du nombre des directions d’administration centrale du Ministère,

 on « fusionne » certaines autres, avec l’annonce d’une « Direction de la création » mêlant sous sa tutelle, artistes interprètes salariés et plasticiens non salariés par exemple,

 on remet aussi en question les DRAC, pour lesquelles l’élaboration des schémas de réforme relève directement de Matignon et de l’Intérieur.

Dans le même temps, Christine Albanel demande à son administration d’évaluer l’impact d’une réduction des crédits de fonctionnement et d’intervention pouvant s’élever sur trois ans, à 20 % !! et elle commande aux services de passer au crible l’intégralité des politiques et des procédures afin de dégager des « économies pérennes ».

Ce qui est remis en cause, c’est l’engagement historique de l’Etat en matière de soutien à la création, de promotion et de développement de la diversité culturelle, de préservation du patrimoine, pour son appropriation par le plus grand nombre, d’aménagement et de maillage culturels du territoire pour une véritable démocratisation culturelle.

La Cgt a clairement choisi son camp : celui d’un service public défendu et renforcé.

Pour ce faire, elle réaffirme l’urgence de la mise en place d’une loi d’orientation pour la Culture, largement débattue entre tous les acteurs, et d’une loi de programmation avec un budget indexé sur le PIB.

Ensemble, acteurs, professionnels et personnels de la culture, le temps de la contre-offensive est venu pour arrêter le bras des casseurs.