Le 20 octobre, le Secrétaire d’Etat en relation avec le Parlement a annoncé que l’examen par l’Assemblée Nationale du projet de loi relatif à « la mobilité et aux parcours professionnels dans la Fonction publique », initialement prévu pour juin dernier, était une nouvelle fois reporté en janvier ou février 2009.
Il faut rappeler que, contrairement à son intitulé, ce projet n’a pas grand-chose à voir avec la mobilité, mais, constitue une profonde remise en cause du statut des fonctionnaires.
L’article 7 prévoit, dans les cas de restructuration d’une administration de l’Etat, une nouvelle position dite de « réorientation professionnelle » qui peut déboucher sur une mise en disponibilité d’office en cas de refus de 3 propositions nouvelles d’affectation par l’Administration. Et même si un léger recul a eu lieu en précisant que les emplois proposés devaient l’être prioritairement dans un endroit proche de la résidence administrative, ce dispositif demeure profondément inacceptable. D’autant plus si on le relie au projet de fonction publique de métiers que l’on essaie de nous imposer. En effet, dès lors que nous serions dans des « Cadres statutaires » extrêmement larges, on pourra imposer à des agents des emplois n’ayant plus grand-chose à voir avec leurs qualifications.
C’est la fin des garanties statutaires liées à l’emploi public pour garantir la neutralité et l’impartialité des fonctionnaires qui est ainsi programmée. Les conséquences pour la population et pour l’égalité de traitement de tous seraient évidemment considérables.
L’article 8 généralise les possibilités de travail à temps incomplet auprès de plusieurs employeurs. C’est la remise en cause de l’obligation faite à l’administration d’affecter un agent reçu à un concours sur un emploi à temps complet correspondant à son grade. Il s’agit d’une rupture profonde avec la conception de la carrière. Cette disposition est porteuse de fragilisation sociale importante et, accessoirement, de difficultés de gestion énormes.
L’article 9 étend de façon très importante le recours au contrat à durée déterminée y compris pour répondre temporairement à des besoins permanents. Allant au-delà des dispositions déjà permissives du Code du travail, cette mesure programme la généralisation de la précarité.
L’article 10 prévoit la possibilité pour toutes les administrations de faire appel à des agences d’intérim. L’Etat et les collectivités territoriales pouvant ainsi se décharger de leurs responsabilités de gestionnaires directs au profit d’employeurs privés. Cerise sur le gâteau, la rédaction de cet article prévoit des conditions d’emplois inférieures à celles prévues pour les travailleurs intérimaires intervenant dans le secteur privé.
Sur les questions essentielles, d’autres réponses sont nécessaires :
La vérité qui est que les personnels de la Fonction publique sont d’ores et déjà largement mobiles. Pour le versant de l’Etat, ce ne sont pas moins de 9 % des agents qui connaissent une mobilité d’une année sur l’autre. Et encore, ces chiffres ne prennent-ils pas en compte les mobilités opérées à l’intérieur d’un même département ! A cela s’ajoutent les 4,7 % de personnels en détachement ou en mise à disposition.
Tout cela corrobore les enquêtes de l’INSEE qui indiquent que les agents de la Fonction publique sont aussi mobiles que leurs collègues du privé.
Mais, davantage de mobilité choisie, est souhaitable et possible. Pour cela, il faut développer les passerelles entre les 3 versants de la Fonction publique, préserver et renforcer la grille indiciaire unique (le contraire du salaire au mérite et des éléments de rémunération aléatoires), construire un statut unifié des fonctionnaires assis sur le principe de la carrière et avec des emplois qualifiés.
Avec déjà plus de 1 million d’agents non titulaires, l’heure n’est certainement pas à l’accroissement de la place du contrat dans la Fonction publique. Il faut, au contraire, mettre en place un véritable plan de titularisation, avec des conditions de reclassement rénovées pour les salariés concernés. Le statut, c’est la garantie pour les citoyens, d’agents publics neutres et impartiaux et l’égalité d’accès de tous aux emplois de la Fonction publique ; le contrat, c’est la porte ouverte au clientélisme et aux discriminations et à la précarité la plus éhontée !
Là où des besoins dérogatoires subsisteront, il faudra mettre en place – sous des contrats de droit public – de meilleures conditions d’emplois pour les contractuels qui demeureront.
La totalité des organisations syndicales représentée au Conseil Supérieur de la Fonction publique ont considéré ces articles comme inacceptables et non négociables. Au printemps dernier, ce qui constitue le « volet social » des restructurations envisagées par la RGPP a suscité une large mobilisation dans de nombreux secteurs de la Fonction publique. Nul doute sur le fait que cette mobilisation a compté dans l’analyse que les parlementaires ont fait de ce projet de loi. En première lecture au Sénat, la commission a proposé le rejet de l’article 10 tandis qu’à l’occasion de l’inscription à l’Assemblée Nationale plus de 1.000 amendements de droite comme de gauche étaient enregistrés.
Tous ces éléments soulignent une nouvelle fois que ni le Président de la République, ni le Gouvernement n’ont une autoroute dégagée devant eux pour faire passer leurs projets régressifs.
Mais, pour vraiment obtenir des avancées significatives, il nous faut, dans l’unité la plus large, développer encore la mobilisation, montrer la cohérence de toutes les attaques en cours en travaillant à la convergence des luttes et avancer nos propres revendications et propositions alternatives pour que les changements nécessaires aillent dans le sens de l’intérêt de toute la population et des personnels.
Sans attendre, il nous faut poursuivre et amplifier la sensibilisation et l’intervention de tous les agents et des citoyens pour faire en sorte que les premiers reculs du gouvernement se transforment en un retrait pur et simple du projet dit de mobilité et de parcours professionnels.
Montreuil, le 24 novembre 2008
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