Alors que notre ministère fête son 60e anniversaire, que va-t-il en rester si nous laissons nos gouvernants le démanteler ?
Le projet du Président et du Gouvernement est clair : supprimer des postes (vos missions, vos métiers, vos emplois), recourir aux contrats de projet (fin du CDI, statut des fonctionnaires lourdement menacé) et externaliser à outrance afin de réduire la « dette » publique, comme ils disent….
Mais qu’attendent-ils donc, ces brillants esprits, pour s’attaquer à l’évasion fiscale qui représente plusieurs dizaines de milliards d’euros par an ? Il y a pourtant, là, de quoi financer à hauteur des besoins la Sécurité sociale, les services publics et les politiques redistributives !
Les administrations centrales sont à nouveau le cœur de cible de cette politique, après une cure d’austérité de 10 ans.
Les éléments de langage ne trompent personne : les administrations centrales vont devoir « se recentrer sur un rôle de conception, d’animation, d’appui des services déconcentrés, d’évaluation et de contrôle ». Ce qui se traduit clairement : exit toute mise en œuvre opérationnelle des politiques publiques, avec pour conséquences l’affaiblissement des politiques et des dispositifs nationaux ainsi que l’appauvrissement de l’expertise métier ! On ne fait plus, on fait faire, réduits aux tableurs et au reporting !
Concrètement, quelles vont être les conséquences de ces projets sur nous, nos missions et sur l’organisation de nos services, s’ils arrivent à leur terme ?
Qu’annonce le projet de loi sur la transformation publique ?
- La suppression de 120 000 postes d’ici 2022 sur l’ensemble des 3 fonctions publiques (même si le Chef de l’État prétend, dans son discours du 25 avril, peut-être un peu moins !)
- Le recours accru aux contractuels sous « contrat de projet » à durée déterminée pouvant être rompu à tout moment et pour une durée maximale de 6 ans. C’est le retour à la grande précarité avec la fin des CDI et un travail totalement sous pression.
- Un plan de départ volontaire tant pour les titulaires que les contractuels.
- Un accroissement de la rémunération au mérite pour les contractuels en miroir de ce qui se fait déjà pour les titulaires avec le « fameux » CIA.
- La fin des accords dérogeant au temps de travail annuel obligatoire, fixé à 1 607 heures.
- Le remplacement des 2 instances actuelles, le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et le Comité technique (CT), par une instance unique, le « Comité social ». Cette future instance unique va par conséquent diluer et amoindrir les domaines de la sécurité, de la santé et de la vie au travail.
- La suppression des compétences des CAP en matière de promotion, d’avancement, de mutation et de mobilité, ce qui va favoriser une gestion opaque, laisser les personnels seuls face à l’employeur public et accroître l’arbitraire.
À cela s’ajoute donc le projet de réorganisation et de déconcentration des administrations centrales, qui s’illustre notamment par les innombrables « chantiers », destinés à identifier des « réservoirs de productivité », selon l’expression de leurs promoteurs, auxquels très peu d’entre vous ont pu participer, sans qu’aucune information sur les scénarios retenus et sur les suppressions de postes (qui en sont le réel objectif) ait été communiquée.
Au ministère de la Culture, quels impacts ?
Le ministère doit supprimer 800 emplois d’ici 2022, dont 300 rien qu’en Administration centrale (AC).
Les objectifs des chantiers de réorganisation sont clairs :
- Se débarrasser de toutes les missions « métiers » et des spécialités d’Administration centrale assurant pourtant une mutualisation économe en ressources et une vision nationale indispensable, en les déconcentrant en Directions régionales des affaires culturelles – DRAC (labels, appellations, procédures, expertises scientifiques et techniques jusqu’ici conçus dans un cadre national), dans d’autres services délocalisés en région ou en établissements publics (métiers et RH par exemple), en les externalisant (formations) ou tout simplement en les supprimant.
- Mutualiser les fonctions dites « support » au Secrétariat général (par exemple la communication), tout en continuant de déconcentrer certaines missions vers les établissements publics (organisation d’évènements nationaux) et d’en externaliser d’autres (accueil et surveillance).
Cet appauvrissement de l’AC en expertise est particulièrement préjudiciable à la garantie de la cohérence nationale des politiques culturelles que nous portons et auxquelles nous participons, en raison de la singularité de notre ministère : un ministère composé de 80 opérateurs, qui a justement besoin d’une administration centrale forte et experte dans tous les métiers qui la composent.
Au ministère de la Culture, dans le détail
« administration centrale stratège »
Ce que l’on sait de l’avancement plus qu’opaque des chantiers « Administration centrale stratège » et de la réorganisation territoriale des services publics, malgré l’absence de communication du Secrétariat général et du Cabinet auprès de vous et de vos représentants :
Chantier Communication
- Fusion des services de communication des directions générales à la DICOM
- Déconcentration des événements nationaux (et européens) au sein d’établissements publics
Quid de la proximité avec les métiers, en termes d’expertise, de fond des dossiers ?
Quid de la proximité avec les DG en termes de réactivité, de priorisation et d’arbitrage ?
Chantier Formation
- Transfert de formations « métiers » à des EP ou à un établissement agréé
- Multiplication des formations en ligne (e-learning)
Quid des formations archivistiques, jusqu’alors délivrées au quadrilatère, mais qui n’ont pas vocation à y retourner ?
Chantier Documentation
- Mutualisation des services de documentation des DG et du SG au sein d’un lieu unique en lien avec le projet CAMUS
Quid de la proximité avec les usagers internes des DG ?
Quid de l’ouverture aux publics externes (étudiants, chercheurs) ?
Transfert du fonds d’ouvrages spécialisés du Service des musées de France (SMF) à un EP, ou stockage dans un sous-sol inondable aux Bons-Enfants, sans possibilité d’ouverture à des lecteurs.
Les agents privilégient plutôt une gouvernance collégiale au sein de la Mission de la politique documentaire et une réelle valorisation des fonds documentaires.
Chantier Affaires internationales et européennes
- Mutualisation des services au SG, au détriment de la spécialisation technique, scientifique, professionnelle et géopolitique des services concernés, et contre l’avis des DG et des agents qui y travaillent.
Désorganisation en vue des services pourtant reconnus par les milieux professionnels internationaux (UNESCO, Conseil de l’Europe, UE, etc.) et par leurs homologues étrangers.
Chantier Budget et chaîne de la dépense
- Mutualisation des fonctions de « prescripteur » au SG
La Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) a ainsi vu ses crédits d’intervention du programme 175 (patrimoine) transférés au programme 224 (transmission des savoirs) piloté par le SG. Elle perd donc la main sur ses choix d’intervention.
Chantier Logistique
- Fusion des services des DG et des chauffeurs au Bureau du Fonctionnement des Services (BFS)
Externalisation en perspective de la fonction « accueil et surveillance » qui subsistait dans certains bâtiments du Ministère
Quid de la gestion du dépôt légal de la presse ?
Chantier Ressources humaines
- Création d’une sous-direction regroupant les services RH de proximité des DG et du SG
- Arrêt des renouvellements des postes en C et B au profit des postes de cadres
- Déconcentration des actes de gestion aux EP du Centre des Monuments Nationaux, du musée d’Orsay et de l’Orangerie, et du château de Versailles Plusieurs milliers d’agents titulaires ne seront plus gérés par le ministère en matière de carrière, de rémunérations, de mobilité, de disciplinaire, de prestations sociales, de concours, créant ainsi une gestion RH clientéliste et inégalitaire.
Quant aux chantiers Recherche, Études et observations, Systèmes d’information… circulez, y a rien à voir !
Aucune information n’a été communiquée aux agents, ce qui alimente un climat anxiogène et de défiance depuis le lancement des chantiers. De plus, une deuxième vague de chantiers similaires serait en préparation pour s’attaquer, entre autres, aux fonctions juridiques ou au traitement de l’enseignement supérieur, toujours pour viser des réductions d’effectifs, des réorganisations diverses et des modifications de répartition d’attributions entre les DG et le SG…
les DRAC
- Déconcentration en cascade de crédits, de missions et de dispositifs en DRAC alors que celles-ci sont dans des situations très difficiles après le choc non encore absorbé de la dernière réforme territoriale, des années de vaches maigres, d’isolement et souvent de mépris.
- Réorganisation territoriale : transfert de la sphère de la création vers les collectivités territoriales et regroupement des secrétariats généraux des services régionaux dans ceux des préfectures ou des directions départementales interministérielles.
Quelles garanties de moyens aux DRAC et du maintien des politiques nationales sur l’ensemble du territoire ?
Gestion des agents différente d’une région à l’autre, en fonction du rattachement à la préfecture de région ou du département, avec le risque de traitements différents en termes de rémunérations et de conditions de travail et de mutation.
les SCN
- Fusion avec un EP
- Transformation en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), comme certains l’évoquent pour le Mobilier national et les Manufactures. Le même sort sera réservé à l’EPA de la Manufacture de Sèvres.
Les Services à compétence nationale (SCN), à mi-chemin entre l’administration centrale et les DRAC, dont les attributions ont un caractère national et dont les missions ont un caractère opérationnel, se verraient obligés de dégager eux-mêmes leurs propres modes de financement.
Et le projet CAMUS dans tout ça ?
Le secrétariat général a beau nous affirmer qu’il n’y a aucune corrélation entre les chantiers de réorganisation et le futur déménagement, il n’empêche que plus on supprime de postes, plus on tient dans des espaces restreints : nous l’avons de nombreuses fois répété, le projet CAMUS n’est pleinement réalisable qu’en supprimant 300 emplois en Administration centrale ! Est-il nécessaire de rappeler que nous devrions passer – en l’état actuel des choses – d’environ 900 agents aux Bons-Enfants à 1100, et de 60 à près de 300 au quadrilatère des Archives ?
Vous aurez d’ailleurs sans doute remarqué que la dernière communication autour du projet, sur les travaux aux BE, ne concerne que les salles de réunion, les cafés/tisaneries et les kiosques. En effet, l’administration mise sur davantage de salles de réunion et « d’espaces de travail informels », car nous serons tous, selon une nomenclature très précise et soi-disant gage de retour à l’équité dans la répartition des m2 (hormis les « chefs » !), installés dans des bureaux partagés allant jusqu’à 5 personnes par bureau.
Densification, quand tu nous tiens…
Labels Égalité & Diversité : allez, on en remet une couche !
Alors que le ministère se targue de sa double labellisation, il serait bon, en administration centrale en particulier, de respecter ses engagements – et le droit ! – en ne discriminant pas les femmes enceintes à qui on ne renouvelle pas le contrat en tout début de congé maternité ou même après une décision de justice.
Concernant l’accessibilité, il serait également bon pour l’administration centrale de se munir ou de faire adapter les logiciels professionnels afin que tout agent en situation de handicap ne se voit pas freiné dans sa carrière.
Et ça leur couterait quoi, par ailleurs, aux responsables du bâtiment des Bons-Enfants, de fournir 2 chaises à nos collègues de l’entreprise privée qui assurent l’accueil et la sécurité à l’accès principal, debout 8 heures par jour ? Seraient-ils moins égaux que les autres ?
Ce que la Section CGT des administrations centrales (SDAC) revendique :
- Le maintien des expertises métiers et spécialisées en AC et des procédures dont elle est actuellement responsable du pilotage, fondamentales pour les politiques culturelles publiques et leur cohérence nationale
- Une meilleure coordination et le développement du travail en réseau entre toutes les entités du ministère (SG, DG, SCN, DRAC et EP). Et stop à la multiplication démentielle des commandes et missions parallèles à celles de l’AC, que le pouvoir distribue à ses copains
- Des créations de postes afin de résorber la surcharge de travail
- L’arrêt des déconcentrations sauvages de crédits et de missions
- L’arrêt des transferts de gestion aux EP
- Le maintien des SCN dans leur statut propre
- L’arrêt du projet de vente de l’immeuble des Pyramides, des travaux CAMUS au quadrilatère des Archives, et l’identification concertée d’une solution satisfaisante d’accueil des agents de la DGCA
- L’égalité de traitement en termes de primes entre les agents de l’AC et des SCN
- La suppression du CIA qui met en concurrence les agents et n’est distribué qu’à la « tête de l’agent »
- La revalorisation des traitements, primes et salaires, et des carrières
- L’arrêt des discriminations, en particulier des agentes en état de grossesse ou des agents en longue de maladie
- Le respect de l’accord du 28 juillet 2015 = CDIsation des agents dits dans le « stock »
-
S’agissant des droits et conditions de travail de nos collègues des entreprises extérieures (accueil, surveillance, nettoyage, maintenance etc.) : le respect de « la charte sociale relative aux relations du ministère de la Culture et de la Communication avec ses prestataires » signée par le ministère avec l’ensemble des organisations syndicales le 17 décembre 2015
- Le maintien des instances de dialogue social telles qu’elles existent actuellement, le respect de leur fonctionnement et surtout l’instauration d’un véritable dialogue !
Pour faire entendre votre voix et défendre nos services,
nos métiers et carrières,
soyez nombreux à faire grève et à venir
manifester le 9 mai !
Fichier(s) joint(s)
- CP-SDAC-avril-2019 - 2243 Ko