L‘avis du Comité Technique Ministériel du 4 décembre 2017
Les emplois contractuels relevant de l’article 4-1 de la loi 84-16 du 11 janvier 1984 sont prévus afin de permettre à l’Etat et ses établissements publics administratifs (EPA) le recrutement de personnels sur des besoins permanents à temps complet pour lesquels il n’existe pas de corps de fonctionnaires.
Ce type de recrutement sous contrat a fait l’objet de véritables dérives au sein du Ministère de la Culture en lieu et place de recrutements de titulaires, comme le reconnaissaient le protocole d’accord et la circulaire ministérielle du 27 juillet 2015. Ce sont près de 1000 agents qui ont été recrutés sur des emplois pour l’essentiel relevant de missions de corps de titulaires (50% en A, 35 % en B et 15 % en C). Les principaux responsables de ces dérives sont depuis plus de quinze ans les directions des EPA : 80 % de ces recrutements sont de leur fait. Ils ont en cela été particulièrement bien aidés par les politiques publiques développées au ministère et qui consiste principalement à supprimer des emplois en administration centrale et à asphixier, entre autres, les services en charge d’organiser les concours qui permettent de recruter les futurs fonctionnaires !
Afin de revenir à la règle du recrutement de titulaires sur des besoins permanents des services ou des EPA du Ministère de la Culture, la circulaire ministérielle de juillet 2015 a mis en place un groupe de travail avec les organisations syndicales afin de limiter le recours aux contrats sur les besoins permanents à une liste de métiers pour lesquels il n’existe pas de corps de fonctionnaires correspondant. La loi dite « Sauvadet » permet par ailleurs de réaliser directement le recrutement sous CDI pour ces listes de métiers.
La CGT-Culture a largement participé depuis la mise en place de ce groupe de travail dès 2015 à la définition de ces emplois avec l’objectif de les limiter strictement à ceux pour lesquels il n’existe pas de corps de fonctionnaires afin de contraindre les services et les EPA à pourvoir leurs besoins permanents par des postes de titulaires, et au passage appliquer la loi. Partie de plus d’une centaine de métiers proposés par le SRH du ministère, l’administration a ramené sa liste à une soixantaine de métiers (48 en catégorie A et 13 en B). Pour la CGT parmi ceux-ci une trentaine de métiers restait clairement des fonctions correspondants à des corps de fonctionnaires :
– dans la filière informatique des missions des corps d’Attaché d’Administration (analystes et programmeurs), d’Ingénieur d’Etude et d’Assistant Ingénieur (administrateurs de base de données, responsables de la sécurité informatique, Webmestres),
– dans la filière de l’édition des missions d’Attaché d’Administration et de Chargé d’Etude Documentaire (responsables des politiques éditoriales et chargés de publication, coordinateurs de traduction),
– dans la filière bâtiments–infrastructures, les missions correspondant aux corps des Techniciens des Services Culturels, des Ingénieurs des Services Culturels et du Patrimoine et des Architectes Urbanistes de l’Etat (responsables de gestion du patrimoine immobilier, chargés de maintenance et d’exploitation, conducteurs d’opérations, techniciens de travaux spécialisés),
– dans la filière communication, des missions correspondant aux corps des Attachés d’Administration et des Ingénieurs des Services Culturels et du Patrimoine relevant des politiques du public, de la communication,
– dans la filière commerciale des missions correspondant aux corps des Attachés d’Administration et des Ingénieurs des Services Culturels et du Patrimoine (responsables ou chargés des politiques de promotion et de diffusion, de concession domaniale, et de régisseurs de recette et/ou d’avances).
C’est une attaque frontale contre les statuts de la Fonction publique
et les règles de recrutements et de mobilité des agents
du service publique culturel !
Pourquoi tant d’acharnement de la part du secrétariat général du ministère à contourner les règles statutaires de recrutement ?
Comme le dit le secrétaire général du ministère de la culture au comité technique ministériel du 4 décembre, il est là pour appliquer pragmatiquement les règles statutaires … !? En fait, les règles sont faites pour être contournées quand cela les arrange !
Mais pourquoi cela les arrange-t-il sur ce point ?
Le secrétariat général remet en cause sur le fond la circulaire ministérielle du « retour à la règle » signée en juillet 2015. Cela s’inscrit dans la politique voulue par la nouvelle Ministre de la culture Françoise Nyssen et son directeur de cabinet Marc Schwartz comme le révèle le document « Comité Action Publique 2022″ du 3 novembre 2017 (document qui n’existe pas selon la ministre mais que tout le monde a en main) sic :
» Le Ministère de la Culture :
page 8 Proposition d’évolution : transfert de la masse salariale et des emplois aux établissements publics administratifs (- 4500 ETP gérés et payés en centrale)
page 9 : 2 Approfondissement des chantiers d’externalisation : Leviers : a) accélération du départ en retraite dans les dix dernières années à venir d’un grand nombre d’agents : 27 % des agents de catégorie C de la filière accueil, surveillance et magasinage partiront à la retraite.
page 12 : La politique des musées
Proposition d’évolution : des établissements publics autonomes dans leurs gestions – Renforcer l’autonomie des établissements publics par le transfert de la masse salariale et des emplois gérés et payés en centrale (mesure transversale pour tous les opérateurs du ministère) »
Plus simplement, il s’agit d’externaliser les postes de catégorie C en particulier dans la filière Accueil-Surveillance-Magasinage et renforcer l’autonomie de gestion de la masse salariale des EPA, en les laissant libres de recruter comme bon leur semble des agents en catégorie A et B en dehors des règles statutaires et de recrutement. Les risques de recrutement sans concours et discrétionnaire, avec pour conséquence une augmentation de la précarité « statutaire », d’enfermement des agents contractuels dans les EPA, de blocage des mobilités et des évolutions de carrière des titulaires et d’extinction des ouverture de poste de titulaires sont réelles.
Voilà le programme quand le secrétaire général envisage une application modérée de la loi !
Le ministère de la culture a grand ouvert les portes au recrutement contractuel sous article 3-2 (emplois dit dérogatoires) dans ses établissements dérogatoires : 32 types d’emplois en catégorie A et B qui selon la loi là aussi ne devraient pas en principe correspondre à des corps de fonctionnaires. Nous avons fait la preuve au Conseil supérieur de la fonction publique en 2017 que les dérogations demandées par le ministère de la culture recouvraient pratiquement toutes des missions de corps de fonctionnaires.
Et maintenant, le ministère ouvre en grand la porte au recrutement contractuel sous article 4-1de catégorie A et B en lieu et place de postes de titulaires pour tous ses autres EPA avec le même état d’esprit : tordre le cou au droit pour remplir ses objectifs politiques de réduction du nombre de fonctionnaires, lâcher la bride sur le cou des EPA, au prétexte d’autonomie, mais pour mieux pour se désengager budgétairement et stratégiquement des politiques culturelles.
Attention cela ne concerne pas que les 1000 postes actuellement sous contrat article 4-1 mais aussi les 2000 autres postes occupés sous contrat article 4-2 (emplois de catégorie A « lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient »), besoins permanents que le SRH nous dit envisager de basculer sur la liste des emplois 4-1. C’est donc près de 3000 postes qui sont concernés soit plus de 10 % des effectifs du ministère !
La liste d’emploi autorisé au recrutement sous article 4-1 proposé par la Ministre de la culture a été mise à l’ordre du jour pour avis au dernier comité technique ministériel du 4 décembre 2017.
Le comité technique a exprimé un vote négatif avec une majorité de voix contre :
Contre : 7 élus CGT-Culture et 1 élu du SNAC-FSU
Abstention : 3 élus CFDT-Culture et 1 élu CFTC-Culture/UNSA Culture
Pour : 3 élus SUD-Culture
Paris, le 8 janvier 2018
Fichier(s) joint(s)
- CGT-Culture Art 4 1 CTM 2017 - 236 Ko