Quand le changement ne peut plus attendre.
La CGT-Culture a rencontré Aurélie Filippetti
L’élection du Président de la République le 6 mai dernier, clairement confortée par le résultat des législatives, ouvre la porte au changement. L’alternance politique au sommet de l’exécutif comme à l’Assemblée Nationale suscite naturellement beaucoup d’espoirs et porte de très fortes attentes qui ne sauraient être déçues.
La qualité des conditions de travail et le respect des agents : la priorité
La CGT-Culture a rencontré Aurélie Filippetti, nouvelle Ministre de la Culture et de la Communication, le 26 juin. Nous avons tenu tout d’abord à rappeler à Madame la Ministre le combat courageux des personnels qui, toutes ces années, par leur travail, leur professionnalisme, leurs luttes et leur sens aigu du service public ont largement contribué, en dépit de réformes brutales, au maintien d’un ministère de plein exercice, indispensable à une société de progrès et rassemblée.
La Ministre, consciente du profond attachement des agents à leurs missions, s’est dite préoccupée par la situation du ministère et avant tout par la détérioration du climat social et la dégradation des conditions de travail. Elle a affirmé sa détermination à imposer au plus vite le respect de toutes et de tous et de leur travail, dans les services comme dans les établissements et sur l’ensemble du territoire.
Le ministère est effectivement affaibli et meurtri par des années de politique libérale et de multiples restructurations. Nous donnons acte à la Ministre de vouloir rompre à tous les niveaux avec des pratiques managériales et une gestion dont les méfaits et la dangerosité ne sont plus à démontrer et que les agents ne peuvent pas supporter plus longtemps.
Le retour rapide au dialogue social, à la concertation et à la culture du débat est certes fondamental mais nous savons aussi que le virage social attendu au quotidien, sur le terrain, passe nécessairement par la valorisation du travail, de son sens, de son contenu ; par la prévention des risques et des discriminations de toutes sortes ; par la prise en compte de la pénibilité ; par le souci permanent de la santé des personnels. C’est ce à quoi la CGT-Culture va continuer à s’atteler notamment au travers de CHSCT pleinement reconnus et opérationnels.
Pour une refondation concertée du ministère et des politiques publiques, l’urgence d’une rupture
Le précédent quinquennat a imprimé profondément la marque d’une conception mercantile et comptable de la culture. Les mobilisations ont ouvert la voie au changement. Celles et ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir doivent créer les conditions d’une rupture sur le fond. Il faut dès à présent mettre un terme au désengagement de l’Etat en matière de culture, rompre avec la confusion et le déclin délibérément orchestrés par la RGPP.
La Ministre le sait pertinemment : les personnels du ministère et leurs représentants, et bien au-delà les professionnels et les acteurs de la culture dans leur diversité, les créateurs et les artistes attendent avec impatience les premiers signes forts d’une ambition retrouvée, d’une vision et d’un souffle nouveau. Ce projet novateur mené sans ambiguïté possible depuis la rue de Valois doit permettre à la culture et au ministère de la culture en particulier de se situer au cœur d’une société de progrès, émancipée, plus juste, rassemblée et démocratique. C’est la belle idée d’une démocratie culturelle diamétralement opposée aux desseins de ceux qui s’emploient à ce que le monde des affaires s’empare des affaires de l’esprit.
L’état de souffrance de ce ministère est tel que la tâche est immense. Tous les champs d’action et d’intervention du ministère ou presque appellent aujourd’hui ces travaux de sauvetage et de refondation : les enjeux du patrimoine pris dans toutes ses dimensions comme un atout pour le développement, l’innovation et la recherche d’une vraie modernité ; l’enseignement supérieur ; le soutien à la création ; les politiques du livre et de lecture ; les questions du numérique et de l’économie de l’immatériel ; les politiques de recherche ; la place et le rôle déterminant des DRAC dans l’articulation fine avec les collectivités territoriales et pour le maillage du territoire ; et, bien sûr, cela va sans dire, les politiques de développement culturel, d’accès à la culture et des publics en lien avec un tissu associatif toujours fragile et le monde du travail.
Reconstruire les réseaux structurants du service public culturel
Nous n’aurons de cesse de répéter que cette vaste entreprise de reconstruction doit impérativement s’appuyer sur la restauration des réseaux structurants du service public culturel : les musées ; les monuments ; les archives ; l’archéologie ; les écoles d’art, d’architecture et les conservatoires ; les DRAC ; les bibliothèques et l’audiovisuel public…
82 « opérateurs » : quelle tutelle et quelle gouvernance ?
De même, les relations entre le ministère, son administration et les établissements publics – les opérateurs – doivent rapidement être ordonnées et stabilisées. La dérive actuelle ne saurait se poursuivre sauf à mettre à terme en péril le ministère lui-même. Nous ne voulons pas d’un ministère réduit à un rôle de « police administrative ». C’est la raison pour laquelle nous militons pour que la nouvelle Ministre reprenne la main et qu’elle définisse très clairement les conditions de l’exercice d’une tutelle politique forte et le cadre d’une autre gouvernance.
Ce sont là les dossiers, et la liste est loin hélas d’être exhaustive, que la Ministre et ses équipes devront prendre à bras le corps et dont elle convient qu’ils peuvent faire l’objet de débats ouverts favorisant notamment la participation, l’implication et la reconnaissance des agents.
Un CT-M le 10 juillet
Nous ne sommes qu’à l’ébauche des discussions mais la Ministre aura compris que nous ne renoncerons à rien et que nous ne manquerons pas d’être offensifs. Le Comité Technique Ministériel convoqué le 10 juillet prochain et au cours duquel la Ministre devra préciser et développer les grands axes de son action sera pour nous l’occasion de faire la démonstration de la nécessité de discussions approfondies et sans tabou, constructives, franches et sans concessions.
Budget, emploi, salaires : un ministère au bord de l’asphyxie
Si le climat général et social semble s’éclaircir, reste que le cadre économique et budgétaire nous conduit à une vigilance encore renforcée et à la réaffirmation des revendications des personnels sur l’emploi, les carrières, les effectifs et les moyens alloués, comme sur les traitements et salaires.
Sur ces points comme sur les autres, nous nous sommes adressés très directement à la Ministre : les personnels du ministère, à Paris comme en régions, ne peuvent pas entendre plus longtemps qu’au prétexte d’une crise dont ils ne sont au demeurant en rien responsables, ils devraient subir encore et toujours les effets désastreux des suppressions d’emplois et des coupes budgétaires.
Les milliers d’emplois supprimés et les coupes budgétaires infligées au ministère et plus largement à la culture ont laissé des traces indélébiles. L’austérité que nous combattons à tous les niveaux, lorsqu’elle est appliquée à la culture, outre son caractère profondément injuste, montre ici aussi toute son absurdité économique. Alors que les informations qui circulent ne sont pas du tout rassurantes, nous voulons redire qu’il est temps de changer de cap radicalement.
Nous avons demandé à la Ministre que tant le collectif budgétaire annoncé par le gouvernement que la préparation du prochain projet de loi de finance triennal fassent l’objet de toute la transparence et de la loyauté qui s’imposent.
Par ailleurs, nous sommes impatients d’entendre la Ministre annoncer l’abandon pur et simple de la Maison de l’Histoire de France.
On le savait, cela se confirme, le changement ne peut plus attendre.
Paris, le 27 juin 2012
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