Le Pen out mais une société qui reste polyfracturée !
Les citoyens ont fait preuve d’une grande responsabilité en faisant barrage à l’extrême droite mais le défi d’une plus grande justice sociale et d’une démocratie ouverte à la diversité, plus proche de la population est immense à relever. Des électeurs de plus en plus nombreux depuis vingt ans ne cessent de voter pour ce parti.
Notre combat contre les idées du front national, parti raciste, xénophobe, homophobe, sexiste, libéral et anti-social, va se poursuivre. Les politiques fascistes de haine qui prospèrent sur la déshérence sociale doivent être combattues jusqu’au bout. Cela exige aussi des politiques en rupture avec celles menées au nom de l’austérité ! Cela exige aussi de prendre toute la mesure des fractures qui traversent notre société.
Macron élu mais pas de blanc-seing pour autant
Si Emmanuel Macron peut se targuer de quelque vingt millions de voix, dont nombre sont l’expression d’une adhésion sincère à son programme, il doit aussi entendre que certains de ses électeurs se sont opposés avec détermination et durant de longs mois aux politiques mises en œuvre par les gouvernements auxquels il a appartenu. Il doit aussi entendre l’abstention et le vote blanc d’autres citoyens qui considèrent que les politiques libérales ne sont pas une voie pour une meilleure répartition des richesses, la justice sociale et la démocratie. En clair, le nouveau Président de la République doit considérer qu’il ne dispose pas d’un blanc-seing !
La démocratie En marche! ?
Emmanuel Macron considère que son élection au suffrage universel lui accorde le droit de légiférer par ordonnance. Ainsi le Président de la République, tout juste élu, compte-t-il s’exonérer de débats parlementaires, de leur transparence et légitimité et de toutes les exigences de la démocratie sociale, et pour aller vite, durant la moiteur de l’été, anéantir ce qu’il reste du Code du travail et de ses garanties collectives ou presque.
L’élection à la magistrature suprême peut laisser naître quelques fantasmes, Pour autant, elle ne donne pas encore de pouvoir magique. Et si le pouvoir législatif, comme lors du gouvernement précédent est dépossédé par le pouvoir exécutif de certaines de ses prérogatives pour en définitive faire passer en force des mesures qui ne défendent en rien l’intérêt général mais celui du patronat, la crise démocratique va s’amplifier.
On ne peut non plus passer sous silence la main mise du pouvoir exécutif sur certaines prérogatives du pouvoir judiciaire pour cause d’état d’urgence. Cette surenchère de concentration des pouvoirs au sein d’un seul, qui s’installe dans les esprits et la réalité, interroge les équilibres politiques de notre démocratie.
Ce serait une faute politique lourde si Emmanuel Macron n’acceptait pas d’ouvrir le débat parlementaire sur la question des droits sociaux à l’heure où l’amélioration des garanties collectives se pose plus que jamais et que la démocratie sociale a tout son rôle à jouer. On ne peut à la fois prétendre renouveler la démocratie, ses règles et ses pratiques pour en définitive légiférer par ordonnance et dire « ça suffit ! » à la démocratie, aux salariés et à ceux qui les représentent ! De tels choix politiques n’augurent rien de bon et ont toujours des conséquences néfastes sur la qualité du dialogue social dans le monde du travail privé comme public. Du reste dans le contexte européen qui est le nôtre, la France se distingue par son archaïsme en matière de démocratie sociale. Il serait temps de changer de paradigme !
Quel Code du travail du XXIè siècle ?
Alors que le monde du travail connaît des restructurations et des mutations majeures, il ne cesse de se développer des zones de non-droits sociaux et le chômage reste à un niveau très élevé. Les propositions de la CGT pour un nouveau Code du travail du XXIè siècle, qui consistent en une sécurité sociale professionnelle et le nouveau statut du travail salarié, et qui offrent de nouvelles garanties collectives aux salariés doivent être entendues. Il est de la responsabilité du gouvernement de prendre en compte l’expertise que nous portons sur les améliorations en matière de protection sociale et de droits sociaux nouveaux. C’est bien dans le débat et la confrontation des idées des uns et des autres que sera trouvé le consensus pour établir des droits nouveaux garantissant une meilleure protection sociale des salariés mais surtout partagés par tous. C’est à ce moment très précis de la partie que la démocratie peut permettre de prendre la meilleure décision et rassembler, encore faudrait-il que le débat ait lieu !
Oui à la démocratie sociale dans les entreprises
Non à l’inversion de la hiérarchie des normes dans le Code du Travail
Oui à des garanties collectives et des droits sociaux nouveaux
Dumping social, non merci !
Vous reprendrez bien un peu de « sérieux budgétaire » ?
Comme tout libéral qui se respecte, Emmanuel Macron associe aussi volontiers le service public à une dépense. Et de ce côté-là aussi, il ne faut pas attendre de miracles ; ce seront les vielles recettes ! D’aucuns admettent que le remboursement de la dette ne peut constituer un projet collectif politique porteur d’avenir et d’espoir. De partout les politiques libérales n’ont cessé de développer des inégalités en tout genre au sein de la population et du territoire. La politique qui consiste à baisser les crédits budgétaires pour augmenter les dépenses fiscales n’a rien de nouveau, hélas.
En programmant la réduction de soixante milliards d’euros (dont 25 milliards pour l’État et 10 pour les Collectivités) et de 120 000 emplois dans la Fonction publique (70 000 pour l’État et 50 000 pour les Collectivités) dans les cinq prochaines années, Emmanuel Macron va poursuivre, dans le droit chemin tracé en préalable par ses prédécesseurs, une politique de « sérieux budgétaire », comme ils disent. Et pourtant, rassembler les Français est possible autour de services publics modernes et efficaces sur l’ensemble du territoire.
Pas tout à fait sérieux quand même parce que le nouveau Président ne compte pas réduire les aides dispendieuses et inutiles octroyées aux entreprises qui s’élèvent à des dizaines de milliards d’euros et qui n’ont fait l’objet d’aucune contrepartie en termes de création d’emploi, pire encore elles s’autorisent pour certaines à licencier à tour de bras. Ces aides publiques de soutien à l’emploi ou à l’innovation dans les entreprises sont généralement siphonnées par les actionnaires au mépris de l’investissement dans la recherche et le développement industriel des filières mais surtout au mépris de l’intérêt général et du développement équilibré des territoires, des savoir-faire, des industries et services et donc de l’emploi.
« Pour chaque euro cotisé, le même droit à pension pour tous ! »
Dossier ultra-sensible qu’est également celui des retraites. Les réformes régressives successives en la matière ont paupérisé une population de retraités qui ne cessent de croître et voit son espérance de vie progresser. Emmanuel Macron sous couvert d’équité veut introduire pour tous un inacceptable régime de retraites par points et mettre fin aux régimes spéciaux. Telle qu’est formulée la proposition, le droit à la retraite serait strictement proportionnel à la cotisation. Or seuls les salaires sont assujettis à la cotisation. Il s’ensuit que les périodes indemnisées au titre de la maladie, du chômage ou de la maternité ne sont pas cotisées ; dans le système proposé, elles n’ouvriraient donc aucun droit à retraite alors que dans le système actuel elles sont prises en compte de façon à minimiser les effets sur le montant de leur retraite des aléas de carrière subis par les salariés.
Pour qu’un euro cotisé donne le même droit pour tous, il faudrait que la pension soit calculée en fonction de l’espérance de vie à la retraite et de surcroît de l’espérance individuelle ; tout le monde récupérerait alors le montant de ses cotisations au cours de sa période de retraite. Or l’espérance de vie individuelle ne peut être pronostiquée par aucun organisme, pas même le DEPS du Ministère, c’est dire !
Cette proposition aurait pour conséquence une baisse des pensions pour tous les salariés, baisse de surcroît très inégalitaire puisqu’elle affecterait plus les femmes que les hommes. Celles-ci cotisent moins en raison des inégalités de salaire dont elles sont victimes pendant leur carrière. Leur salaire horaire net est en moyenne inférieur de 16,3 % à celui des hommes. Une fois de plus ce sont les femmes qui sont pénalisées.
Pour éviter un décrochage insoutenable de leur niveau de vie entre la période d’activité et celle de la retraite, les salariés pourraient se voir dans l’obligation de reporter la liquidation de leur pension de plusieurs années au-delà de 67 ans. C’est la logique de la rente viagère : plus on part tôt, plus elle est basse, plus on part tard, plus elle augmente ! Avec une telle politique, pas besoin de bouger l’âge de départ à la retraite, la boucle est bouclée !
La protection sociale, le dumping social et l’Europe
Sous prétexte de compétitivité, les cotisations sociales seraient réduites de plusieurs dizaines de milliards d’euros et transférées sur la CSG. Inscrites alors dans le projet de loi de finances de la sécurité sociale voté au Parlement, et considérées comme une dépense publique comme une autre, ces cotisations vont être réduites. Ce n’est pas de cela dont nous avons besoin pour améliorer la protection sociale d’un salariat qui connaît des modes d’organisation en pleine mutation et qui fait l’objet d’une concurrence à l’échelle planétaire.
La nécessité de travailler à des modes de financement nouveaux en matière de protection sociale est une absolue urgence afin de garantir à tout le salariat les nouvelles protections dont il a besoin. Ce n’est pas par la baisse des cotisations que la protection sociale peut s’adapter à des nouveaux modes de protection. C’est par le débat autour de propositions dont la Cgt est aussi porteuse que ces nouveaux modes de financement seront trouvés. Mais la question du dumping social ne peut être combattu efficacement que si au niveau de l’Europe les droits sociaux sont renforcés pour tous les travailleurs et priment sur le droit des affaires.
Paris- Le Havre, le 15 mais 2017