Retour sur la réunion de présentation
organisée par le cabinet de la ministre le 23 septembre 2020
Quelques éléments de contexte
Chacun se souvient évidemment des Plans de Transformation Ministériels (PTM) chers au gouvernement d’Edouard Philippe et figurant parmi les mesures phares d’un énième épisode de « la réforme et de la modernisation de l’Etat ». On sait aussi que la crise du Coronavirus a mis entre parenthèses ces projets très largement contestés dans la Fonction publique.
Avec l’arrivée de Roselyne Bachelot-Narquin à la tête du ministère de la culture, la question était sur toutes les lèvres : le PTM allait-il se poursuivre et, si oui, dans quels termes, comment et à quel rythme ?
La réponse n’a pas tardé à venir puisque dès sa première rencontre avec les organisations syndicales, le 27 août dernier, la ministre a indiqué que si elle ne souhaitait pas s’engager dans une réforme du ministère chamboule-tout elle entendait néanmoins opérer « des évolutions raisonnables et consensuelles en capitalisant sur les travaux menés avant le COVID-19 ».
Du PTM à l’OAC pour « organisation de l’administration centrale », le changement dans la continuité
Si le vocabulaire change, les grandes lignes ne varient pas beaucoup en vérité.
Ainsi, outre la confirmation de la décision positive, saluée par la CGT, de créer une nouvelle délégation en charge des politiques transversales de démocratisation culturelle et de leur coordination territoriale, on retrouve sans surprise l’idée d’une consolidation de l’expertise métier des directions générales, et, surtout, celle beaucoup plus inquiétante et pernicieuse de la fusion et du regroupement des fonctions dites « support » au sein d’un secrétariat général hypertrophié et plus que jamais jaloux de ses prérogatives technocratiques.
Certes, il n’est plus désormais officiellement question de PTM. Certes en matière de communication Roselyne Bachelot-Narquin fait-elle preuve d’habilité mais, dans les faits, l’essentiel des chantiers de « rationalisation » dont nous dénoncions la nocivité en début d’année restent au programme et ce dans le plus grand mépris pour les agents concernés, leurs métiers, et leur travail.
Dialogue social, accompagnement social, attention portée aux agents et à leurs conditions de travail : pour le moment les engagements de la ministre ne sont pas respectés
La réunion de présentation de la réorganisation de l’administration centrale du 23 septembre au cabinet de la ministre en présence des directeurs généraux, du préfigurateur de la nouvelle délégation transversale et du secrétaire général a montré une nouvelle fois, exposé après exposé, toute l’étendue et la complexité d’une réforme qui n’a absolument rien d’une réformette. Elle a confirmé aussi que les enjeux humains et les risques sociaux, psychosociaux et professionnels d’un tel chantier étaient considérables.
La CGT n’a pas manqué de rappeler à la directrice de cabinet les propositions qu’elle avait formulées en début d’année avant l’épidémie, en substance : la double exigence d’un protocole d’accompagnement social de la réforme dûment négocié instaurant des garanties collectives et individuelles de haut niveau, et d’un comité de suivi chargé de l’application méthodique et rigoureuse dudit protocole au plus près des situations les plus sensibles et délicates et des attentes de chacune et chacun tout au long du processus.
La CGT a aussi rappelé que la secrétaire générale alors aux responsabilités avait apporté une réponse favorable à ces demandes auxquelles les personnels attachent naturellement le plus grand prix.
Nous persistons dans l’idée que cette nouvelle séquence de réforme, bien que nous la combattions à plus d’un titre, doit être l’occasion d’examiner avec le plus grand soin chacune des situations individuelles, de développer une approche nouvelle, actuelle, moderne des parcours professionnels, des déroulements de carrière et de la transformation anticipée de nombreux métiers et compétences. Ces questions sont prioritaires pour les agents et elles le sont pour nous aussi. Nous y avons donc insisté très fortement auprès de la nouvelle équipe ministérielle et du nouveau secrétaire général.
Des dirigeants qui ne prennent pas la mesure de l’urgence sociale et qui avancent tout seuls
Toutes ces demandes et le cadre social que nous proposons sont constructifs, légitimes et débattus de longue date et à moultes reprises avec les agents. Ce sont leurs revendications. Or il faut bien le dire, le cabinet de la ministre et le nouveau patron de l’administration s’enfermant dans leur surdité et leurs certitudes les ont rejetées sans ménagement.
- Pour un protocole d’accompagnement social, c’est non !
- Pour un comité de suivi, c’est non aussi !
- Pour la communication des « matrices de passage » pourtant indispensables à l’examen précis et méticuleux de chacune des situations avant – après, et à l’établissement d’arrêtés d’affectation justes et le cas échéant réparateurs ; indispensables également au maintien et au transfert de tous les effectifs et de tous les postes, y compris les postes vacants, c’est encore non !
Las ! Le secrétaire général, après avoir annoncé que seuls une centaine d’agents seraient concernés par les mouvements et la réorganisation, n’a pas hésité à déclarer très sérieusement que les « quelques » situations qui pourraient poser problème seront directement réglées par lui ! Nous voilà rassurés !!!
Tout cela serait presque risible si ce n’était la marque d’un profond mépris du dialogue social qui perdure et qui pourrait encore s’aggraver si on en juge par certaines postures totalement aux antipodes de ce que le climat général et le climat social également détériorés exigent pourtant.
Un calendrier initial intenable et inacceptable
Comme si tout cela n’y suffisait pas encore, le calendrier fixé préalablement d’ici à fin décembre, à huis clos, et sans aucune concertation par nos impétueux dirigeants ne comprenait aucune date relative à l’accompagnement social des agents.
Si nous faisons un focus sur ce point particulièrement choquant, il convient toutefois de souligner que le calendrier global de cette réforme d’envergure présenté le 23 septembre était parfaitement intenable et inacceptable : un comité technique ministériel (CTM) avant le 12 octobre ; un comité technique d’administration centrale (CTAC) avant le 16 novembre et… point barre !
Nous avons obtenu un desserrement du calendrier initial et l’inscription incontournable d’un cycle de réunions de concertation : c’est déjà mieux mais néanmoins encore insuffisant
Voici donc en l’occurrence les nouvelles dates qui ont été arrêtées à l’issue de la réunion sur nos demandes :
- 30/09 à 9h : Groupe de travail relatif à la nouvelle délégation, en présence du secrétaire général, du préfigurateur de la nouvelle délégation et des directeurs généraux
- 02/10 à 9h : Groupe de travail relatif au secrétariat général, en présence du secrétaire général, et de représentants des directions générales
- 05/10 à 9h30 : Groupe de travail relatif à la direction générale des patrimoines, en présence du directeur général
- 05/10 à 15h : Groupe de travail relatif à la direction générale de la création artistique, en présence de la directrice générale
- 09/10 à 11h : Groupe de travail relatif à la direction générale des médias et des industries culturelles, en présence du directeur général
- Deux réunions supplémentaires sont en outre prévues sur :
- L’accompagnement RH de l’OAC : la date du 12/10 à 14h30 est pré-réservée.
- La relecture du projet de décret d’organisation: la date du 15/10 est pré-réservée.
Reste à fixer :
- Les réunions des pilotes préfigurateurs avec tous les personnels concernés et le secrétaire général
- 1ère semaine de novembre : CTM sur le projet de décret d’organisation de l’administration centrale
- Courant novembre : communication des projets d’arrêtés d’organisation détaillés et réunion/s de travail sur les textes en préparation du CTAC
- Dernière semaine de novembre : CTAC relatif aux projets d’arrêtés d’organisation
A noter :
- Le directeur général des patrimoines est convenu de tenir rapidement une réunion sur la tutelle des services à compétence nationale (SCN) en présence de la cheffe du service des musées de France (date à préciser)
- Nous allons tout faire par ailleurs pour remettre dans le jeu la DGLFLF, totalement disparue des écrans radars dans les projections communiquées le 23/09
- Nous réinterrogerons en outre le cabinet et l’administration sur le phasage de cette réforme avec le projet Camus, toujours d’actualité aux dernières nouvelles avec les questions que cela implique en termes d’implantations physiques et spatiales et, cela va sans dire, de conditions de travail.
La question de la cohésion au sein de nouvelles équipes qui seront administrativement regroupées mais physiquement toujours éloignées, et ce jusqu’en 2022 minimum selon le calendrier des travaux, est clairement posée.
Sur le fond des réorganisations
Création d’une nouvelle délégation en charge des politiques culturelles transversales et de leur coordination territoriale : une avancée très importante mais qui reste fragile
L’annonce faite par la ministre le 27 août dernier, et que nous avions reçue très positivement, a été confirmée le 23 septembre par la directrice de cabinet. Cette nouvelle délégation aura rang de direction d’administration centrale.
Elle s’attachera :
- à la participation des habitants à la vie culturelle, dans le respect de leurs droits culturels et de leurs parcours culturels ;
- au dialogue interministériel et au dynamisme des partenariats favorisant la démocratisation culturelle et la place de la culture dans notre société ;
- au pilotage de l’action territoriale et à l’animation du réseau des DRAC, ainsi qu’au développement du dialogue avec les collectivités territoriales et, là encore, d’une démarche partenariale ; en s’appuyant notamment sur le Comité Consultatif des Territoires en régions ;
- à la définition de la stratégie ministérielle en matière d’enseignement supérieur culture et de recherche, à la coordination du réseau des écoles supérieures d’art et d’architecture et à la valorisation de leurs politiques (étant entendu que la tutelle des établissements d’enseignement supérieur reste aux directions métiers compétentes).
L’action de cette délégation reposera donc effectivement sur trois piliers distincts mais participant d’un même mouvement de transformation des politiques publiques portées par le ministère. Leur dénomination provisoire est la suivante : Pratiques artistiques et culturelles ; Vie culturelle des territoires ; Enseignement Supérieur Recherche. Cette ossature devrait être complétée par un pôle « Affaires générales » chargé du pilotage et de la tutelle budgétaires (Pass culture et Universcience) ou encore de la gestion RH de proximité ainsi que de l’analyse des modèles économiques des écoles Culture.
Si sur le papier, les orientations et les objectifs fixés à cette nouvelle délégation sont porteurs d’espoir, beaucoup de questions essentielles à son déploiement réussi restent en suspens.
Ces interrogations sont principalement les suivantes :
- Quid des liens et passerelles indispensables entre la nouvelle délégation, les directions métiers et le SG : quelle capacité réelle à dépasser les cloisonnements actuels et une forme d’organisation en silos pour travailler en synergie au développement des politiques culturelles et faire ministère en vrai ?
- Quid dans les faits du pilotage de l’action territoriale et de l’animation du réseau des DRAC: missions dévolues sur le papier à la nouvelle direction mais encore par trop diluées dans le SG (voir infra) et, dans une moindre mesure dans les DG métiers, alors même que les enjeux territoriaux, de démocratie, de citoyenneté et d’égalité sont au centre du discours du gouvernement et de la ministre : « la reconstruction du pays passera par la culture » ;
- Quid des politiques et de la stratégie du numérique dont la nouvelle délégation sera coupée au profit du SG : nous avons pointé à plusieurs reprises déjà le risque majeur pour le ministère de se concentrer sur la dimension technique et technologique de ce dossier en passant ainsi à côté de ce qui constitue certainement l’une des mutations anthropologiques les plus profondes de la période et de notre histoire ; il n’est pas trop tard pour éviter cette grave erreur stratégique en confiant cette responsabilité à la nouvelle délégation
- Tiers-lieux, friche et nouveaux territoires de l’art: les tiers-lieux, équipements existants à l’instar de l’extraordinaire réseau des bibliothèques et médiathèques ou friches à investir, sont des espaces physiques pour faire culture et création ensemble, retisser des liens, inventer et innover, participer du renouveau de territoires isolés ou relégués ; or il nous semble que cette autre dimension stratégique doit apparaître plus clairement dans les attributions de la nouvelle délégation
- Quid des moyens humains et budgétaires de la nouvelle délégation: l’équipe précédente, avant la crise sanitaire, s’était engagée à doter la nouvelle délégation de créations nettes d’emplois et des enveloppes budgétaires à la hauteur de l’ambition affichée ; après la réunion du 23 septembre, les engagements du cabinet de Roselyne Bachelot-Narquin sont beaucoup moins clairs ; nos revendications en la matière restent les mêmes, il y va tout simplement de la réussite ou non de cette nouvelle entité voulue par la ministre.
Consolidation de l’expertise métier des directions générales
DGPA
De la Direction générale des patrimoines à la Direction générale des patrimoines et de l’architecture
10 ans après sa création sous l’empire de la RGPP, la direction générale des patrimoines (DGP) devient la DGPA renforçant ainsi ses contours stratégiques s’agissant de l’architecture. On peut raisonnablement espérer que cette décision contribuera à donner à l’architecture et à ses contenus scientifiques, urbanistiques et sociétaux toute la place qui doit leur revenir dans l’ensemble cohérent des politiques ministérielles et dans nos sociétés contemporaines.
Création d’une entité « Inspection, Recherche et innovation »
La DGP va également procéder au rapprochement de son ancien département du pilotage de la recherche et de la politique scientifique et de l’inspection générale des patrimoines pour constituer un pôle (ou une sous-direction) « Inspection, Recherche et innovation » à toutes fins de mieux anticiper les évolutions et transformations du secteur. On peut penser là encore qu’il est pertinent de vouloir réarmer intellectuellement la DGP pour légitimer son action très souvent contestée ces dernières années. Reste à savoir si cette nouvelle entité sera positionnée au bon niveau et si elle aura réellement toute latitude d’explorer, et d’anticiper, les problématiques passionnantes mais complexes qui animent les patrimoines en 2020.
Par ailleurs, toutes les composantes de la DGP sont d’évidence amenées à réfléchir et anticiper sur l’avenir dans leur domaine d’activité très régulièrement… et heureusement ! Cette dimension ne peut donc pas être simplement « rangée » dans une brique administrative et attribuée à un petit groupe qui « penserait » pour tous, quand le reste des services serait cantonné au traitement des dossiers et à la stricte exécution. En l’espèce, le discours du directeur général n’en est malheureusement pas très éloigné…
Création d’une cellule chargée de l’action économique transversale vis-à-vis des entreprises et des indépendants au sein des Affaires générales et financières
Cette décision correspond au souhait de la ministre – exprimée le 27 août dernier – de voir la DGP mieux incarner le suivi du secteur privé du patrimoine et de l’économie du patrimoine. Si ce souci peut se comprendre, on peut malgré tout s’interroger sur le positionnement de cette « cellule » au sein des Affaires générales et financières alors qu’elle recouvre censément des enjeux ayant tout à voir avec les prérogatives des sous-directions métiers. Nous pensons en outre que cette évolution est loin de répondre aux nouvelles exigences posées désormais frontalement à tout le ministère, à son administration centrale, à chacune de ses directions métiers, comme à ses nombreux opérateurs en termes de modèles économiques et de durabilité.
Des questions se posent aussi sur l’intégration du département de la formation scientifique et technique au sein de la sous-direction des affaires générales et financières. Nous craignons une réelle perte d’action et d’expertise en matière de formation si ce projet devait aboutir tel quel et sans plus de soin.
A retenir encore :
Trois départements spécialisés et transversaux de la DGP seront intégralement transférés à la nouvelle délégation ou aux entités existantes élargies : le département de la communication vers le SG via son entité « Information et Communication » ; le département des systèmes d’information patrimoniaux vers le SG via son grand pôle « Numérique » ; enfin le département de la politique des publics vers le SG pour ses missions relatives aux études et à la prospective via le pôle étoffé « Etudes, prospective, statistiques et documentation », et vers la nouvelle délégation s’agissant de ses missions relatives au développement des publics et à l’EAC.
Cela dit, la DGPA conservera une partie du département des affaires européennes et internationales gardant la main directement, entre autres, sur le patrimoine mondial.
Pour la DGP, future DGPA, ces évolutions ne sont donc pas du tout marginales. En tous cas et à tout le moins, elles nous confortent par leur ampleur dans notre exigence d’un accompagnement social de haut niveau et d’un suivi rigoureux et vigilant de chacune des situations individuelles et personnelles. Ce qui vaut pour les agents de la DGP vaut évidemment pour tout agent potentiellement concerné par un transfert quels que soient son actuelle affectation et son futur point de chute.
DGCA
De prime abord, les évolutions imprimées à la DGCA pourraient paraître plus limitées mais à bien y regarder les changements ne sont pas non plus anecdotiques. Sont ainsi créés :
Une nouvelle sous-direction consacrée à la politique de l’emploi et aux artiste auteurs
Nous accueillons positivement cette décision motivée par des enjeux sociaux considérables et de plus en plus complexes ; des enjeux sociaux connus de longue date mais qui sont aujourd’hui vécus d’autant plus difficilement par des professionnels frappés de plein fouet par la crise du Coronavirus.
Nous avons suggéré que la responsabilité en soit confiée à un profil de type « directeur du travail » connaissant bien les règles du droit du travail et ses évolutions afin de peser au mieux en interministériel.
Un département des programmes transversaux et de la diffusion pluridisciplinaire
Il s’agit, a-t-on compris, de mieux accompagner et soutenir d’une part les organismes et opérateurs pluridisciplinaires quant à leur démarche de création et leurs actions de diffusion, et, d’autre part, de « soutenir le développement des politiques des publics, du numérique et des nouveaux usages culturels ».
Sans vouloir insulter l’avenir ni même retirer à la DGCA les ambitions qui sont les siennes, on a peine à comprendre comment elle entend articuler son action avec la nouvelle délégation alors que la problématique des publics est justement constitutive de l’ADN de cette dernière. Cela est d’autant plus surprenant que la DGP a pour sa part tiré les enseignements à cet égard de la création d’une nouvelle entité pleinement tournée vers les objectifs de démocratisation et de transmission. Il y a donc là un souci de cohérence et d’équilibre général que nous avons soulevé le 23 septembre et sur lequel nous allons insister.
A retenir encore :
- le service des arts plastiques devient service ou délégation (ce qui sera à préciser) des arts visuels pour intégrer le champ de la photographie ;
- le service de l’inspection de la création artistique dont l’éventuelle disparition a pu susciter beaucoup d’inquiétude est maintenu, tout en devant privilégier à l’avenir ses missions de conseil à celles de contrôle ;
- pour la DGCA dans son ensemble, comme pour les personnels des autres directions (dont également ceux de la DGLFLF) dont les postes sont transférés au SG ou à la nouvelle délégation, nous exigeons un accompagnement social irréprochable.
DGMIC
Maintien du service du livre et de la lecture (SLL) et du service des médias (SdM)
Des trois directions métiers, la DGMIC est certainement celle qui conserve la situation la plus stable. Sont ainsi maintenus en l’état ou quasiment le SLL et le SdM (voir infra). Ainsi, contrairement aux autres directions générales, la DGMIC n’opère aucun transfert vers la nouvelle délégation en charge des politiques culturelles transversales.
On se souvient pourtant des débats qui animaient les services avant l’épidémie de Covid-19 s’agissant de la place et du rôle des bibliothèques et médiathèques dans la dynamique et l’ancrage territorial de nos politiques de démocratisation culturelle.
On voit mal à ce stade comment la nouvelle délégation et la DGMIC pourront très concrètement travailler ensemble sur la sphère de la lecture publique alors même que le rapport au livre est l’une des voies essentielles, chacun le sait, de l’émancipation, de la citoyenneté et de la résorption des fractures territoriales et culturelles. Or le moins que l’on puisse dire c’est que la présentation du 23 septembre n’a pas répondu à cette question très importante.
Création de deux « délégations », l’une consacrée aux « Entreprises culturelles » et chargée notamment d’une mission de stratégie de la filière Industries Culturelles et Créatives (ICC), l’autre destinée à la « Régulation des plateformes numériques »
Il est précisé que l’entité « Entreprises culturelles » s’intéressera aux enjeux de la filière ICC relatifs au périmètre de la DGMIC mais pas seulement. La DGMIC étant ainsi amenée à jouer un rôle de chef-de-filat pour l’ensemble de ces questions au ministère.
Il est précisé en outre que l’entité « Régulation des plateformes numériques » aura une approche pluridisciplinaire et s’attachera à concilier liberté d’expression et régulation des contenus sur les réseaux sociaux. Elle aura également pour objectif de peser dans les réunions et négociations interministérielles.
A retenir encore : le service des médias prendra la tutelle du Centre National de la Musique (en lien avec la DGCA), une façon de prendre acte de problématiques communes à l’industrie musicale (plateformes de streaming) et à l’économie des médias, eux-mêmes fortement impactés par la numérisation des contenus et de la diffusion et, par conséquent, par une forme de porosité progressive entre presse et audiovisuel.
On note enfin, non sans intérêt compte tenu du constat et des propositions qui sont les nôtres depuis des années, que le directeur général des médias et des industries culturelles fut le seul à aborder vraiment la nécessité de mettre en place de nouvelles méthodes de travail, plus horizontales, s’appuyant sur des équipes projet mixtes favorisant l’interaction entre les différentes entités. Il n’a pas hésité à parler de changement impératif de culture administrative en signifiant le caractère incontournable d’un tel virage au risque de sombrer dans « l’obsolescence programmée » d’ici peu.
On eût aimé que le SG reprenne ce diagnostic et ces propositions à la volée mais ce ne fut pas le cas…
SG
Le regroupement des fonctions dites « support » est confirmé : vers un secrétariat général hypertrophié
La concentration arbitraire et sans ménagement au SG de nombre de fonctions jusqu’ici intégrées à chacune des directions métiers vient contredire les discours de la ministre. Encore la preuve que cette réforme n’a rien d’une réformette. Tous les chantiers du PTM se sont poursuivis et se retrouvent dans l’organigramme projeté du SG.
En vérité, ce qui guide ce « renforcement » du SG, c’est toujours la même doxa, celle de la « modernisation » de l’Etat, celle de la « rationalisation » de l’organisation et de « l’optimisation » des missions, c’est-à-dire en clair une mise en coupe réglée technocratique de métiers souvent dévalorisés et menacés à terme. Nous avons rappelé que le rôle du secrétariat général est de faciliter le travail des agents et non de créer des obstacles, des écrans et in fine de la bureaucratie.
Des regroupements prévus par le PTM et qui vont même au-delà encore
- Ainsi cette réorganisation de l’administration entérine la concentration au SG de toutes les fonctions liées à la logistique, à la communication, à l’informatique et au numérique, aux affaires internationales (à l’exception pour la DGP de la mission « Patrimoine mondial, itinéraires culturels européens et relations avec les ONG patrimoniales).
- Le projet, émanant lui aussi du PTM, de créer une DRH groupe et une DAF (direction administrative et financière) groupe est mené lui aussi à son terme, empruntant ici au secteur privé une novlangue destinée à masquer les difficultés structurelles du SG à réellement « faire » et – penser – ministère.
- Comme annoncé avant le Covid-19, l’entité « Etudes, prospective, Statistiques et Documentation» (ex DEPS) regroupe bien les fonctions jusqu’ici attachées à chacune des directions métiers mais, fait nouveau, cette entité se voit adjoindre aussi toutes les missions de documentation et y compris – ce qui n’a jamais filtré jusqu’alors – celles de l’IGAC et de la DGLFLF.
Numérique, une erreur stratégique qui pourrait nous coûter cher
Le cabinet et l’administration persiste dans l’idée de créer une entité numérique englobant dans un même bloc et sans distinction des dimensions aussi différentes que l’informatique et les systèmes d’information et « l’Appui à la transformation numérique des politiques culturelles » ou encore « la Diffusion de l’innovation numérique ».
Pour notre part, nous pensons que le ministère ne prend absolument pas la mesure de la révolution à l’œuvre au plan des usages et des pratiques des publics et ce, sans exception, dans tous les réseaux d’activité du service public culturel. Et nous continuons à croire que ces enjeux déterminants quant aux capacités du ministère à anticiper les transformations du XXIe siècle doivent être travaillés et pensés au sein de la nouvelle délégation en charge des politiques transversales de démocratisation culturelle. Se refuser à l’entendre, c’est se préparer à de nouveaux retards d’avenir.
Autre incompréhension : le rattachement de la mission « Recherche et restitution des biens culturels spoliés » au pôle « Affaires juridiques et internationales »
Le ministère a créé en avril 2019 une « mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 ». Ce dossier sensible et de la plus haute importance pour notre histoire a mobilisé beaucoup d’attention et a donné lieu à des débats parfois complexes mais toujours de très haute tenue.
S’est posée en son temps avec une acuité toute particulière la question de l’ancrage et du rattachement politiques et administratifs de cette mission. Il fut décidé de rattacher la mission au SG quand nous considérions qu’elle devait être placée sous l’autorité du directeur général des patrimoines.
Reste qu’il est incompréhensible que celle-ci soit rangée d’autorité et sans aucune discussion au sein des « Affaires juridiques et internationales ». Que le SG ait une vision technocratique aboutie, on y est un peu habitué, qu’il soit aussi léger sur un dossier aussi sensible et que manifestement, il méconnait, ce n’est pas acceptable.
Création d’une super entité (service, département, délégation ?) à la « Stratégie et coordination ministérielles » ou la technocratie consacrée
Si le diable se cache parfois dans les détails, ici il avance avec des gros sabots. La création d’un super pôle supposé assurer en même temps, entre autres, la « Stratégie, le discours ministériel et la coordination des cadrages transversaux des opérateurs », la « Coordination stratégique et l’animation des réseaux des DRAC, SCN et opérateurs » ou encore « l’Innovation managériale et collaborative » et « l’Animation cadres dirigeants et vivier » témoigne de façon grossière de la dérive technocratique, gestionnaire et comptable que nous dénonçons depuis des années.
Les chevauchements toxiques sont flagrants :
- avec d’une part ce qui devrait normalement relever de la nouvelle délégation démocratisation, territoires, coordination enseignement supérieur recherche s’agissant particulièrement de l’animation du réseau des DRAC,
- et, d’autre part, avec ce qui devrait relever des directions métiers compétentes s’agissant de leurs réseaux nationaux et territoriaux de SCN et d’opérateurs.
Construire cette usine à gaz c’est aller tout droit une fois encore, à la segmentation, à la dilution et au déclin de politiques publiques dont la cohérence et la synergie sont pourtant indispensables à la crédibilité du ministère mais, aussi et surtout, à la satisfaction des besoins des usagers du service public culturel.
Quant à la « l’Innovation managériale et collaborative » et pire encore à « l’Animation cadres dirigeants et vivier », est-ce à dire que la seule catégorie d’agents pour lesquels ce ministère, cette administration et le SG sont capables, demain comme aujourd’hui, de construire une stratégie de gestion anticipée des emplois et compétences (GAEC) ce sont les cadres dirigeants. Cette orientation est choquante et révoltante mais elle n’est guère surprenante objectivement car elle est représentative de certaines dérives qui ont actuellement cours chez certains hauts responsables. Ces questions sont pourtant du seul ressort du SRH, qui vient de se réorganiser sur ces questions, et de la politique des ressources humaines qui doit être refondée dans ce ministère pour construire des parcours professionnels ouverts à tout l’encadrement supérieur pour maintenir et développer les expertises nécessaires à conduire les politiques publiques culturelles au service de l’intérêt général.
Il est utile de préciser à ce moment-là de l’histoire que le secrétaire général se débarrasse de la mission « encadrement supérieur » en la renvoyant au SRH, tout en gardant tout près de lui – la belle affaire – le soi-disant « vivier des cadres dirigeants » ! Pour le secrétaire général, et ceux qui lui ont conseillé cela, il y a bien deux manières de faire avec l’encadrement supérieur…
Au passage si la ministre attache effectivement la plus grande attention aux agents et à leurs conditions de travail, elle ferait bien de se pencher personnellement sur l’épineux dossier des politiques RH au ministère et d’en faire une priorité car, oui, nous le disons pour la énième fois, ce n’est plus tenable.
A retenir encore :
- conformément à ce qu’avait annoncé la ministre le 27 août dernier, le regroupement des missions et fonctions de formation au SG est abandonné – dans le contexte actuel et alors que les désaccords sont nombreux et les tensions toujours vives, c’est un moindre mal ;
- la question des mouvements de personnels au sein même du SG reste floue et demande donc des éclaircissements ;
- quant à la plus-value du regroupement au SG des fonctions et services international, communication et documentation, nous attendons toujours que le secrétaire général nous en fasse la démonstration.
Tutelle des opérateurs et modèles économiques : deux chantiers vitaux et désespérément en jachère
Le ministère a sous sa responsabilité plus de 80 opérateurs relevant de champs disciplinaires et de statuts juridiques hétérogènes. Le ministère présente donc un visage protéiforme qui trouble souvent la lisibilité, la compréhension et, il faut bien le dire, l’efficacité de son action.
Cette situation difficile à gérer n’est pas le fruit du hasard. Elle résulte de politiques libérales qui ont le plus souvent et de façon constante ces trente dernières années placé la marchandisation et le consumérisme culturel avant le service public.
Voilà des années que nous demandons l’ouverture d’un débat et de travaux visant à imaginer les formes et les conditions d’une tutelle rénovée permettant de retrouver le sens de l’intérêt général et d’assoir la cohérence des politiques culturelles ministérielles. Aujourd’hui la tutelle sur les opérateurs et les SCN s’exerce de façon verticale, sans dynamique ni vision d’ensemble. C’est d’abord et avant tout une tutelle budgétaire et comptable, la plupart du temps perçue à raison par les établissements comme coercitive et punitive. Tout cela doit changer. Nous restons demandeurs de ce débat mais ce n’est certainement en concentrant cette mission dans les seules mains du SG que nous avancerons.
En matière de réflexion sur les modèles économiques, le ministère a pris également des retards extrêmement préjudiciables, ce que ce projet de réorganisation vient confirmer. Ces retards nous en faisons actuellement l’amère expérience dans le contexte de l’épidémie qui frappe au cœur l’économie de la culture, dans sa dimension privée comme publique. Les récentes décisions budgétaires et les mesures du plan de relance permettront-elles de maintenir le navire à flot, rien n’est moins sûr. Le mythe des records de fréquentation et de la croissance infinie du tourisme mondial, manne providentielle, a-t-il vécu. L’histoire nous le dira. En attendant, le ministère ne peut rester passif, à attendre la prochaine vague, la prochaine crise. Ce sujet n’est pas simple. Il n’y a certainement pas de réponse magique. Ce n’est pas une raison suffisante pour l’effacer totalement des tablettes de la réorganisation de l’administration centrale. Et c’est même inimaginable qu’il en soit ainsi car si la crise sanitaire et économique se conjugue à celle de modèles économiques à bout de souffle, n’oublions pas la gravité de leurs conséquences sociales. C’est à la ministre elle-même que la CGT-Culture demande l’ouverture de ces discussions.
SCN, attention danger : nous ne laisserons pas faire
Le 23 septembre, nous avons compris, mais est-ce une surprise, que le projet de démantèlement des SCN qui obsède nos dirigeants successifs depuis qu’ils ont entrepris de multiplier les établissements publics voilà près de 30 ans maintenant est toujours à l’ordre du jour. Tout ceci se trame dans notre dos. Aucune information ne filtre. Ce qui est sûr c’est que le couperet ne tardera pas à tomber. On ne laissera pas au SG le soin de porter le coup de grâce au détour d’un organigramme biffé. Cette question-là aussi nous l’adressons expressément à la ministre.
Paris, le 28 septembre 2020
Vive la culture
et que vive le ministère de la Culture !
Vous trouverez ci dessous suite au communiqué la documentation de l’administration pour la réunion du 23 septembre