Résolution 1 : Situation internationale et nationale

4 janvier 2024 - par CGT-Culture

Texte d’orientation du XIIIe congrès de la CGT-Culture – novembre 2023

Après le Covid et l’effondrement économique de 2020, le capitalisme est entré dans une nouvelle phase de sa crise. Celle des affrontements de plus en plus directs entre impérialismes pour redessiner la carte de l’exploitation des richesses et des peuples.

Le monde est le terrain de la guerre généralisée que se livrent les principales puissances impérialistes USA, Chine, UE, Russie, France, Grande‐Bretagne. De ce point de vue, les répercussions mondiales de l’invasion de l’Ukraine par les troupes de Vladimir Poutine en février 2022 sont évidentes pour chacun.e, comme le sont également les événements en cours sur le continent africain, ou les manœuvres militaires dans le détroit de Taïwan. À la fois causes et conséquences de la crise capitaliste, la baisse du taux de profit, la saturation des marchés, la baisse de l’activité économique, l’hyperinflation, la hausse des prix de l’énergie et de toutes les matières premières, plongent l’humanité dans la pauvreté, la faim, la guerre.

Le droit à la paix et à la sécurité de tout être humain et des populations doit constituer une obligation fondamentale des États et des institutions internationales. Le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN est en contradiction avec la construction de ce monde de paix. L’OTAN, symbole du passé et de la guerre froide, doit être dissoute. La paix est la condition préalable de l’exercice de tous les droits et devoirs de l’être humain.

Évidemment, les capitalistes veulent faire payer aux peuples la crise dont ils sont à l’origine. Les pires politiques anti‐sociales et anti‐ouvrières dictées par le FMI et la Banque Mondiale sont brutalement appliquées par les gouvernements. Pendant que 2 milliards d’êtres humains vivent sous le seuil de pauvreté et que près de 500 millions d’enfants subissent l’extrême pauvreté, les 10 personnes les plus riches du monde possèdent plus que les 3,1 milliards de personnes les plus pauvres.

Ainsi, selon l’OIT, l’économie informelle emploie plus de 2 milliards de personnes. C’est donc 61 % de la population active mondiale qui se trouve privée de toute protection sociale, de droits au travail et de conditions de travail décentes. Toujours selon l’OIT, 93 % de l’emploi informel se trouvent dans les pays pauvres ou émergents. En Afrique, 85 % des emplois sont informels ; 68 % en Asie, dans le Pacifique ainsi que dans les États arabes ; 40 % pour les Amériques ; 25 % en Europe et en Asie centrale.

La crise sanitaire qu’il y a eu c’est avant tout une crise systémique, celle d’un modèle à bout de souffle, celui du capitalisme, un modèle dont les dommages au développement culturel, à l’environnement et aux êtres vivants s’apparentent désormais à un écocide.

Il faut porter le droit à un autre modèle économique basé sur le bien‐être social et écologique rompant avec les politiques économiques actuelles. Il faut les fonder sur des modalités de production et une exploitation des richesses équitables non prédatrices des humains et de l’environnement. Il faut des modalités de production qui ne prélèvent pas plus que ce que la nature peut reconstituer, et (qui soient) restauratrices des limites planétaires nécessaires à notre survie. Cela nécessite d’anticiper les transitions nécessaires, de manière à ce qu’elles ne portent pas préjudice aux travailleurs et à leur famille.

Partout dans le monde, les travailleuses et travailleurs, retraité.e.s, jeunes, se lèvent et exigent le respect de leurs droits démocratiques et sociaux, climatiques et environnementaux, du droit syndical, revendiquent l’égalité des droits entre les femmes et les hommes, revendiquent des augmentations de salaire, des protections sociales et des services publics, des conditions de travail décentes. Partout, les grèves, manifestations et mouvements démocratiques sont réprimés violemment comme à Hong Kong, au Pérou, au Myanmar, en Iran, au Bélarus, en Palestine, au Zimbabwe, mais aussi en France.

Face à la dictature des multinationales, face aux impérialismes, face à la guerre, les travailleuses et travailleurs de tous les pays doivent s’unir. Or, le syndicalisme mondial incarné notamment par la confédération syndicale internationale (CSI) et la fédération syndicale mondiale (FSM) est profondément divisé, ouvertement intégré aux appareils d’état et aux institutions internationales. En définitive, CSI et FSM sont des impasses. C’est par une action organisée, consciente, que le combat pour l’indépendance des syndicats doit être mené dans toutes les organisations nationales et internationales afin de briser les chaînes qui lient le sort des exploité.e.s à celui de leurs exploiteurs. C’est par un syndicalisme indépendant, de classe et de masse, de revendications et d’actions, authentiquement internationaliste, que la classe ouvrière mondiale conquerra son émancipation.

En Europe, la politique réformiste et d’adaptation de la confédération européenne des syndicats (CES) aux besoins du capitalisme a abouti, en plein Covid, à une cogestion directe de la crise. En effet, la CES revendique dans les textes de son 50e Congrès (23‐26 mai 2023, Berlin) avoir « stimulé l’UE » à : développer des aides pour les États membres pour se remettre de la pandémie ; atténuer les risques de chômage par l’accès à des prêts à taux avantageux pour les états ; à introduire de la souplesse quant à l’application des règles de gouvernance économique (la règle des 3 % de déficit public, etc.) En résumé, la CES revendique la paternité du plan de sauvetage du

capitalisme européen (juillet 2020) qui a coûté 750 milliards d’euros et que les travailleurs et leur famille doivent aujourd’hui, seuls, rembourser ! Bas salaires, chômage, précarité, liquidation des droits sociaux, casse des services publics, coupes des budgets sociaux, la saignée des peuples est générale. Et ce n’est que le début, car après l’invasion par l’armée russe de l’Ukraine, la CES estime que : « même si le taux d’augmentation des prix ralentit, il y aura une baisse à long terme du niveau de vie en l’absence de salaires plus élevés, d’une garantie de sécurité de l’emploi et des revenus, et d’une action de l’UE sur les dimensions sociales d’urgence. » Que propose concrètement la CES pour organiser les travailleuses et travailleurs contre le patronat européen ? Rien qui soit à la hauteur de la paupérisation des conditions matérielles d’existence subie par la classe ouvrière européenne.

  • Vive la classe ouvrière mondiale, à bas l’impérialisme !
  • En Palestine, cessez‐le‐feu immédiat et ouverture d’un processus de paix durable !
  • Troupes russes, hors d’Ukraine, immédiatement et sans condition !
  • Retrait des troupes de l’OTAN de l’Europe de l’Est !
  • Troupes françaises, hors d’Afrique !
  • Droit à l’autodétermination des peuples !
  • Pour un droit au développement humain durable !
  • Annulation du paiement de la dette des pays pauvres !

En ce qui concerne notre champ de syndicalisation, les actions de solidarité et les contacts étroits liés depuis de très nombreuses années avec nos organisations sœurs en Italie (la FP CGIL MiC) et au Royaume‐Uni (le PCS Culture Group), nous ont permis de nous adresser à la Fédération européenne des Syndicats de la Fonction publique (EPSU) pour l’inviter à travailler à l’échelle continentale sur les enjeux du service public culturel, de son renforcement, pour le développement de la culture, pour la conquête de nouveaux droits culturels, pour l’emploi pérenne et des conditions de travail décentes pour tous les salariés et agents publics du secteur. Pour la classe ouvrière, la culture est une aspiration à la liberté, à la paix et au bien‐être. Pour la classe au pouvoir et les réactionnaires, la culture c’est de la morale, du business, de la politique, et avant tout, un outil de domination. Défendre la culture et son accès à toutes et tous, c’est défendre une barricade dressée face à la droite, l’extrême droite et les patrons. C’est le sens profond de notre appel unitaire international du 27 octobre 2020.

Dans une société de plus en plus fermée, minée par les divisions et la tentation d’aller vers des politiques plus autoritaires, nous affirmons que la culture et donc les politiques culturelles et le service public culturel restent indispensables pour construire un avenir pacifique et libre.

La montée de l’extrême droite dans les pays européens et même plus largement dans le monde est un fait incontestable.

Les forces réactionnaires et l’extrême droite ne s’y trompent pas : ils se saisissent du malaise de sociétés à bout de souffle et du désarroi des populations pour mener frontalement la bataille culturelle sur un axe identitaire. Nous portons une histoire de luttes contre l’extrême droite et des valeurs universelles de solidarité, de fraternité, d’égalité entre les salariés, par‐delà leur statut, leur origine, leur nationalité, leurs opinions philosophiques ou religieuses. On mesure ainsi les conséquences politiques et démocratiques d’une construction européenne centrée quasi exclusivement sur l’économie et largement inspirée par l’idéologie ultra libérale.

On voit clairement l’importance primordiale de lutter pour une Europe sociale et culturelle et pour un service public de la Culture irriguant l’ensemble du continent.

L’affirmation de la liberté de création (et de la liberté de programmation qui en est indissociable) et la mise en œuvre des moyens permettent à cette liberté de s’exercer pleinement. À l’heure où les attaques se multiplient, de la part d’exécutifs ou de mouvements d’extrême droite, cet objectif revêt une importance cruciale.

Le travail doit être reconnu et revalorisé en tant que créateur de culture et son patrimoine doit être reconsidéré : le travail dans la culture est un patrimoine vivant, matériel et immatériel, ainsi qu’un outil de préservation de la mémoire collective des communautés, des travailleurs, des luttes et des acquis sociaux.

Les travailleur.euse.s culturel.le.s nous aident à préserver le passé, à réfléchir sur ce que nous sommes et à imaginer notre avenir ; ils méritent d’être reconnu.e.s pour leurs contributions uniques et essentielles à la société et d’être traité.e.s avec dignité sur le lieu de travail.

Le recul progressif des politiques publiques culturelles au profit de modèles relevant du privé dans la gestion de l’offre culturelle a produit un phénomène général de dumping salarial, de précarité et de perte des droits des travailleur.euse.s.

Les travailleurs et travailleuses de la Culture doivent revendiquer le service public culturel, mettre en commun les diverses problématiques similaires et construire ensemble les luttes.

Les évolutions techniques remettent souvent en cause les droits sociaux acquis au lieu de porter le progrès social, comme l’illustre récemment la grève des scénaristes et auteurs aux USA qui exigent, en parallèle à une hausse de leurs rémunérations, des limites claires au recours à l’intelligence artificielle. On a déjà pu constater des dérives similaires dans les secteurs du design, de la création graphique et de la photographie de presse où la technique, via des plateformes spécialisées, impose le dumping social. Ces évolutions techniques doivent être un outil d’aide à la création des travailleur.euse.s et non pas les remplacer, et doivent être accompagnées d’un encadrement strict et de nouveaux droits. Les frontières existent pour les êtres humains qui cherchent à fuir les guerres ou la pauvreté et veulent vivre dignement, mais n’existent pas concernant l’exploitation des travailleur.euse.s.

Tout doit être mis en œuvre pour faciliter et favoriser la mobilité et les échanges des étudiant.e.s et professionnel.le.s de la culture.

Il est essentiel de travailler à l’unité des travailleur.euse.s des services publics culturels et des secteurs de la culture pour construire des plateformes revendicatives communes pour sortir des politiques d’austérité, de mise en concurrence, de précarité et gagner de nouveaux droits. Nous devons favoriser la syndicalisation des jeunes : le recrutement et la fidélisation des jeunes syndicalistes sont vitaux dans les domaines des services culturels publics, des arts et de la culture ; leur créativité et leur croissance sont un investissement pour les générations à venir.

Notre lutte contre les modèles de marchandisation de la culture et contre le consumérisme culturel doit dépasser les frontières de nos pays et acquérir une dimension de lutte et de solidarité internationale en défense de tous les travailleur.euse.s des services publics de la culture. Nous devons nous inscrire dans la trajectoire des luttes internationales et solidaires des travailleur.euse.s.

En 2019, le contexte national est encore marqué par de profondes inégalités et fractures sociales et la révolte des gilets jaunes a laissé une trace profonde autant dans les esprits que dans la société. Les violences policières sont un sujet en soi. Le droit de sûreté proclamé dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 est malmené par les politiques publiques qui encouragent les politiques répressives et de contrôle au faciès. La lutte contre le Covid a été accompagnée de rares mesures sociales (mise en place de l’activité partielle notamment), d’aides gigantesques aux entreprises, de privation de libertés. À partir d’août 2021, l’inflation repart à la hausse en France comme à peu près partout dans le monde. Elle est toujours bien là en septembre 2023.

L’année 2022 ouvre la voie à une campagne aux élections professionnelles Fonction publique qui débute par un comité général de l’Union le 31 mai et s’achève par des résultats inédits qui portent la Cgt‐Culture à 41,5 % des suffrages exprimés. 2023 s’inscrit comme une année de mobilisation exceptionnelle contre le nouveau projet de réforme des retraites et de violentes émeutes déclenchées à la suite de la mort de Nahel tué par balle, le 27 juin, au cours d’un contrôle de police par un agent de police. Cette période est aussi la poursuite de toutes les formes de dérégulation et casse des droits sociaux des travailleurs et des travailleuses.

Le 24 février 2022, la Russie de Poutine envahit l’Ukraine et commence alors une guerre totale. Les morts et les blessés se comptent par centaines de milliers.

Au printemps 2022, les élections présidentielles se soldent par la réélection de Macron à la présidence de la République avec 58,55 % des suffrages exprimés. Avec un peu plus de 18 millions d’électeurs, tout comme Sarkozy et Hollande, le « président de

tous », qui n’a pas fait de campagne électorale, feint de ne pas voir le niveau historique d’abstention qui s’élève à 28,01 % et qui fait de lui le président le plus mal élu de la cinquième république.

Les élections législatives comptent 53,77 % d’abstention au second tour ; la macronie obtient 38,57 % des voix et 244 sièges, l’extrême droite 17,30 % et 89 sièges et une nouvelle union des gauches 31,60 % et 127 sièges. Tout le monde, ou presque, a compris que les Français ont refusé de donner une majorité parlementaire à Macron.

La Cgt‐Culture a joué son rôle de première organisation syndicale du ministère en rassemblant le plus large possible.

L’Union participe de manière générale aux mobilisations interprofessionnelles initiées par la confédération à la suite d’appels à la grève contre les dérégulations dans le domaine du droit du travail. La période 2019‐2023 se caractérise par deux projets de réforme des retraites particulièrement régressive pour les droits des travailleur.euse.s et des intersyndicales interprofessionnelles au périmètre différent (CGT, FO, Solidaires et FSUen 2019 et CFDT, CFE‐CGC, CFTC, CGT, FO, FSU, Solidaires et UNSA en 2023).

Dès le 5 décembre 2019 et jusqu’au confinement de mars 2020, la mobilisation des personnels au ministère de la Culture a contribué au retrait, en avril 2020, du projet de réforme de retraite à point.

Le nouveau projet de réforme de retraite en 2023 a connu une immense opposition. Une intersyndicale interprofessionnelle nationale s’est constituée autour de CFDT, CGT, FO, CFE‐CGC, CFTC, UNSA, Solidaires, FSU dès l’été 2022 pour construire une opposition solide au projet gouvernemental en constituant un socle de revendications assez simple : non au report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans avec une accélération de l’augmentation de la durée de cotisation. Au ministère de la Culture, l’intersyndicale Culture CFDT CGT FSU SUD UNSA‐CFTC s’est réunie pour construire une mobilisation unitaire en favorisant la forte participation des personnels. L’unité limitée à la mesure d’âge n’a pas permis d’aller au‐delà et de gagner la retraite à 60 ans.

Spécifiquement au ministère de la Culture, à l’initiative de la Cgt‐Culture, la dynamique unitaire a été développée sur des thématiques plus larges dès janvier 2023 comme la négociation sur la protection sociale complémentaire, l’emploi et les concours, les écoles d’architecture, les écoles d’art, la discrimination syndicale, l’affaire Ch. Nègre, le droit de grève, l’étalement des prélèvements des jours de grève, la filière recherche, le règlement intérieur des instances et la déclaration unitaire au CSA Ministériel.

Les différentes formes de mobilisation HMI, AG et rassemblements unitaires

Les sections et syndicats de la CGT‐Culture se sont attelés dès janvier à multiplier les heures mensuelles d’information (HMI) et assemblées générales (AG) sur de nombreux sites du ministère, afin de mobiliser au maximum les personnels dans la lutte. Des membres du secrétariat national (SN) de l’Union ont participé activement à ces HMI ou AG, afin de soutenir les camarades en local. La grande partie de ces HMI et AG étaient en intersyndicale, comme le tractage en amont.

Des rassemblements unitaires ont été initiés par la CGT‐Culture devant des sites du ministère, en extérieur, afin de rendre visible l’intersyndicale et de donner la parole. À Paris, des « manifettes » intersyndicales Culture ont été organisées entre des sites du ministère et le lieu de départ de la manifestation interprofessionnelle du jour.

Grèves et manifestations

Dans certains secteurs, les agent.e.s ont voté des grèves reconductibles comme au Mobilier national, à la BnF et aux Archives, ou ont fait grève lors de chaque journée de mobilisation, comme à l’Arc de Triomphe, entraînant la fermeture systématique du lieu. D’autres sites patrimoniaux comme le Panthéon, le château de Pau, le château de Versailles, le centre Pompidou et le musée Picasso ont fermé lors de certaines journées, de manière totale ou partielle, ainsi que les manufactures, des écoles nationales d’art ou d’architecture, où des blocages fréquents étaient initiés par les étudiants pour obtenir plus de moyens dans les écoles, illustrant une convergence des luttes. En effet, la CGT‐Culture et ses syndicats ont apporté leur soutien aux étudiant.e.s en lutte pour organiser deux rassemblements nationaux place du Palais Royal en mars à Paris.

Même si les mobilisations ont pu différer en fonction des sites et des secteurs d’activité — les établissements accueillant de public sont de manière générale plus mobilisés que les structures plus administratives — nous avons pu remarquer lors de certaines manifestations la présence de collègues, notamment administratifs, que nous n’avions pas l’habitude de voir en grève et en manif.

Le nombre de grévistes a été recensé à la suite de chaque jour de grève interprofessionnelle par l’administration. La journée de mobilisation du 19 janvier a connu un niveau de 16,48 % de grévistes, soit le niveau le plus élevé (administration centrale 8,9%, SCN 18,38 %, DRAC 19 %, EPA 20 %, EPIC 11 %)

Lors des manifestations, les cortèges Culture ont réuni bon nombre de militant.e.s et sympathisant.e.s de la CGT‐Culture, de la CGT‐Spectacle et du SNJ‐CGT, dont la cohésion a été renforcée par la participation commune aux actions « coup de poing ». Des collectifs du secteur culturel ont également battu le pavé avec nous, comme Arts en lutte et ENSA en lutte.

Les actions « coup de poing »

À partir de début mars, des actions « coup de poing » ont été multipliées en intersyndicale locale, nationale et en interpro dans de nombreux sites emblématiques du ministère de la Culture afin de médiatiser la lutte. Près d’une trentaine d’actions ont été organisées entre mars et juin, dont certaines ont eu un retentissement national et international particulièrement fort : le blocage du Louvre le 27 mars, l’occupation de l’Arc de Triomphe avec le déploiement d’une banderole de 30 m de long le 5 avril, ou encore l’occupation du musée d’Orsay le 21 avril. La première action du 8 mars qui avait consisté à occuper la salle de la Joconde au Louvre afin de mettre en lumière l’impact de la réforme des retraites sur les femmes, a empêché le musée d’ouvrir pendant plusieurs heures, action très vite relayée par les médias et qui a été le déclencheur de la dynamique qui a suivi. Les personnels ont beaucoup apprécié ces actions, tout comme bon nombre d’usager.e.s et de visiteur.euse.s qui nous ont exprimé leur soutien.

Remontées d’informations et communication

Chaque journée de grève a fait l’objet de recensement par le secrétariat national des sites fermés afin d’envoyer un communiqué de presse à notre liste de diffusion de journalistes, qui en comprend plus de 400, et sur Twitter. Chaque action a aussi fait l’objet de photos et vidéos tweetées en direct, et d’un communiqué de presse envoyé dans la foulée, toujours par mail et sur Twitter. Nous avons donc eu de bons relais dans les médias nationaux (BFMTV, France Culture, Libération, etc.), locaux et parfois internationaux. Lors des actions d’envergure (blocage du Louvre, occupation de l’Arc de Triomphe), différent.es camarades ont été interviewé.es. Les agences de presse étrangères et française nous ont sollicités.

Soutien des camarades étranger.e.s

Des syndicats étrangers, avec qui nous travaillons sur les questions de politiques publiques culturelles comme la FPCGIL italienne et le PCS Culture group britannique, ainsi que la FSESP (Fédération syndicale européenne des services publics) et d’autres syndicats européens (belge, allemand, grec) nous ont apporté à plusieurs reprises leur soutien par communiqué, tout comme nous l’avons fait quand les agent.e.s publics britanniques étaient également en grève et mobilisé.e.s à la même période pour des augmentations de salaires.

Malgré une mobilisation sans précédent qui a duré 5 mois ; malgré 14 journées d’actions et de grèves interprofessionnelles à l’appel de l’intersyndicale nationale ; malgré les millions de manifestant.e.s qui ont envahi les rues des grandes, moyennes et petites villes sur tout le territoire, ce mouvement étant tellement massif qu’il a été qualifié de « révolte des sous‐ préfectures » ; malgré le rejet du projet Macron par l’ultra‐ majorité de la population, dans toutes les classes d’âges, tant chez les ouvrier.e.s que chez les cadres, chez les jeunes et même les retraité.e.s ; comment donc Emmanuel Macron, le Président le plus mal élu de la Ve République, a‐t‐il pu, sans majorité absolue à l’Assemblée nationale, faire passer sa contre‐réforme des retraites contre des dizaines de millions ? Il y a plusieurs

réponses à cette question. La première est qu’Emmanuel Macron a tout simplement appliqué la Constitution de 1958 et mis en œuvre l’arsenal des mesures les plus antidémocratiques qu’elle contient comme l’article 47‐1 qui limite à 50 jours le temps de débat parlementaire, l’article 49‐3 qui permet l’adoption d’un texte sans vote, ou encore l’article 44‐3 qui limite le droit d’amendement et impose un vote bloqué. La seconde est qu’Emmanuel Macron a profité de l’attentisme de l’intersyndicale confédérale qui n’a jamais pris l’initiative d’appeler à la grève interprofessionnelle reconductible jusqu’à la victoire, c’est‐à‐dire le tous ensemble au même moment, public et privé, jusqu’au retrait du projet de loi Macron. L’enchaînement des « temps forts » et autres « journées d’action » ne font pas une stratégie qui permet la victoire : les 2 millions de manifestant.e.s du 19 janvier, les 2,5 millions du 31 janvier, les 2 millions du 7 février, les 3 millions du 7 mars, les 3,5 millions du 23 mars, et encore les 2 millions du 1er mai, le prouvent. De même que les « actions coups de poing » démontrent qu’elles ne peuvent se substituer à la grève interprofessionnelle et pire, qu’elles exposent les militant.e.s et les salarié.e.s à la répression patronale, policière et judiciaire.

C’est ainsi que, politiquement minoritaire, isolé, obstiné et violent, Macron a créé les conditions des explosions sociales que nous avons connues dès l’annonce du 49‐3 le 16 mars et qui se sont poursuivies jusqu’au mois de mai, puis qui ont pris une autre forme à partir du 27 juin avec l’exécution de Nahel, 17 ans, par un motard de la police nationale à Nanterre.

Depuis la réforme Fillon des retraites de 2003, notre expérience militante et de grévistes nous permet d’affirmer que sans continuité et sans reconductibilité de l’action, par les grèves et les manifestations de masse, la stratégie des journées ponctuelles et autres temps forts n’a abouti qu’à des défaites. À chaque fois, contrairement à l’effet recherché, elle a favorisé l’isolement, la fragmentation et la division de la mobilisation par secteur, par branche, par territoire.

Ainsi, il apparaît clairement que la seule et unique manière de faire plier Macron et le gouvernement passe par le tous ensemble au même moment, privé et public, précaires, jeunes et retraité.e.s, par la grève reconductible et les manifestations de masse jusqu’à satisfaction, par la paralysie de l’appareil de production, par la grève générale.