Nous le savons, les fuites abondantes de la Direction, largement relayées par la chronique, ont conduit en début d’année 2025 par capillarité le « chantre du ruissellement » à s’exprimer sur les enjeux cruciaux auxquels est confronté notre établissement notamment en termes de vétusté. C’est dans ce contexte que le Président de la République, croyant probablement pouvoir bénéficier d’un rayonnement culturel et historique susceptible de le faire entrer dans la légende des siècles a, dans un discours prononcé au musée du Louvre devant la Joconde le 28 janvier 2025, esquissé à grands traits un projet intitulé « Louvre Nouvelle Renaissance » (cette dénomination faisant bien entendu écho au parti politique « Renaissance » qui est le sien) dont la mission salvatrice (après celle de Notre-Dame) lui reviendrait aux côtés de son archange, déjà en campagne électorale pour la mairie de Paris, Mme Dati.
Depuis lors, la tâche souffre toutefois de complications puisque le cambriolage survenu dans l’établissement le 19 octobre dernier a fait ressortir avec acuité de lourdes failles de l’établissement en termes de sûreté qui ont largement été épinglées par la Cour des comptes, l’inspection générale des affaires culturelles ou encore le Sénat.
On se souvient également que, mélangeant pêle-mêle les formes de financement affectées pour le projet d’un Louvre rénové, l’allocution présidentielle de début d’année avait entretenu une forte confusion puisque l’idée, largement portée devant l’opinion publique, consistait sans trop de précaution à justifier l’augmentation du tarif des billets d’entrée du musée par la création de nouveaux espaces et d’un nouvel accès au musée du Louvre.
En réalité, il n’en est rien puisque ce sont les recettes de la tarification opérant une différence entre les visiteurs résidant dans l’espace économique européen (EEE qui recouvre l’Union européenne ainsi que le Liechtenstein, la Norvège et l’Islande ) et les visiteurs résidant hors de cet espace qui sont surtout prévues pour financer en 2026 à hauteur de 15 millions d’euros le schéma directeur de rénovation du musée (estimé à 17,5 millions d’euros dans sa première phase en 2026 et dans lequel s’inscrit le schéma directeur sûreté, estimé à 1,8 millions d’euros, qui est marqué par la poursuite des travaux d’équipements de sûreté).
Autrement dit, ce serait la tarification différenciée qui viendrait aujourd’hui laver les turpitudes accumulées de l’établissement au fil de ces dernières années tant en matière de vétusté que de surêté !!! Et il reviendrait aux publics résidant hors de l’EEE de payer le prix fort, consacrant le désengagement de l’Etat, pour visiter un musée délabré et dont l’accès à ses collections serait quotidiennement restreint, faute d’effectifs en nombre suffisant (200 emplois en moins en quinze ans) !!!
Cette évolution tarifaire, présentée lors du comité social d’administration (CSA) du Louvre le 16 octobre 2025, a recueilli un vote unanime défavorable de la part de l’ensemble des organisations syndicales représentatives de l’établissement. Elle est également présentée le 27 novembre 2025 à l’ordre du jour du conseil d’administration de ce dernier.
Il faut dire que ce projet est particulièrement scélérat puisqu’il déroge au principe d’égalité entre usagers du service public, selon que l’on réside dans EEE ou non, de la façon suivante :
| Droit d’entrée aux collections | Individuels | Groupes |
| Tarif hors EEE | 32 € | 28 € |
| Tarif EEE | 22 € |
Précisons de surcroît que lors du dernier CSA, la Direction n’a pas cru bon de porter au débat la question essentielle relative à l’intérêt général que pourrait emporter cette mesure, ce qui aurait pu en principe guider son action, mais s’est bornée, sans trop d’effort de pensée, à en présenter les modalités d’application. Tout au plus, la Direction a-t-elle avancé que « la propension élevée à payer des visiteurs internationaux pour une offre exceptionnelle (collections et palais du Louvre) et des tarifs constatés élevés sur le marché, incitent à adopter une augmentation du prix du billet pour les visiteurs hors EEE ».
En d’autres termes, dans un monde où le protectionnisme et le repli des identités s’accentuent, la Direction du Louvre, s’élève fièrement au prix du marché mais se rabaisse dans le même temps en s’en remettant sans vergogne à sa « main invisible » qui tient à son tour le mors serré du président de la République et de la ministre de la culture.
Et l’universalité (exprimée par la Présidente Directrice dans son audition au Sénat le 22 octobre 2025 consistant à faire de notre musée « un lieu au cœur de notre histoire et au cœur de nos valeurs, celle de la transmission d’un patrimoine et celle d’un certain rapport au monde, notamment la reconnaissance de l’égalité des cultures et des civilisations ») s’en trouve contredite, faute d’égalité concrète pour l’actualiser.
Pour la CGT, cette évolution disproportionnée inadmissible qui vient s’ajouter aux différentes augmentations tarifaires significatives observées ces dernières années ne participe pas à réaliser l’universel visé puisqu’il rend l’accès à nos collections plus difficile à travers la mise en place d’un obstacle pécuniaire, associé à un tarif exorbitant tendant à devenir discriminant. Elle contrevient même dans cette perspective à l’expression de l’intérêt général posée dans le code du patrimoine selon laquelle « les droits d’entrée des musées de France sont fixés de manière à favoriser l’accès de ces musées au public le plus large ».
La CGT condamne en conséquence fermement la marchandisation de la culture qui sous-tend la tarification différenciée programmée par la Direction du Louvre, qui ne peut en aucun cas servir l’idéal d’universalité auquel cette dernière prétend et marque dès lors une profonde régression dans la démocratisation culturelle. La CGT revendique l’accès à la culture à titre gratuit pour toutes et tous en tant qu’elle constitue un vecteur d’émancipation et de transformation sociale.
A l’heure où d’aucuns mal inspirés nous invitent à « accepter de perdre nos enfants », la CGT réaffirme à contre-courant que la culture, patrimoine de l’humanité, nous unit par-delà les frontières: elle crée des liens entre les civilisations et les nations tandis que la tarification différenciée divise les peuples.
Paris, le 27 novembre 2025, section CGT du musée du Louvre
