Déclaration de la CGT-Culture au Comité social d’administration ministériel du 7 décembre 2023
Madame la ministre,
Les représentants du personnel ont déploré votre absence au deuxième Comité social d’administration ministériel (CSAM) de la mandature, le 3 octobre dernier. Ainsi, les questions du budget 2024 pourtant essentielles à la stratégie du ministère et aux conditions sociales d’emploi des agents sont restées lettre morte – sans débat.
La culture en danger
Aujourd’hui, dans cette séquence politique, économique et sociale où les politiques culturelles apparaissent fragilisées et où la culture fait l’objet d’instrumentalisations idéologiques toujours plus préoccupantes, nous avons besoin de prendre le temps du dialogue et de la démocratie.
Alors que sur le plan international la guerre s’étend et que le ciel s’obscurcit aussi à l’intérieur de nos frontières, alors que les sujets de mécontentement et d’inquiétude se multiplient et s’accumulent, comme la crise inflationniste et ses conséquences sur le pouvoir d’achat, deux points inscrits à l’ordre du jour de cette séance cristallisent l’ampleur du malaise qui se propage au sein de ce ministère.
Des dossiers socialement explosifs
La fermeture annoncée pour 5 ans des sites du Centre Pompidou et de la Bibliothèque publique d’information et le rapprochement dans le cadre d’un nouvel établissement public des deux établissements publics – mobilier national et cité de la céramique -Sèvres et Limoges – sont des dossiers socialement explosifs auxquels vous et votre cabinet n’accordez pas l’attention indispensable à l’apaisement.
La mobilisation unitaire des personnels du Centre Pompidou et de la BPI, largement médiatisée, interroge directement votre responsabilité politique. Bien que différente, la situation des Manufactures exige, elle aussi, d’autres méthodes et un autre dialogue social assurément plus loyal et transparent.
Ce qui frappe dans la gestion de ces deux dossiers brûlants et qui touchent à des missions prestigieuses et vitales du service public culturel, c’est la légèreté et parfois une certaine forme de suffisance dans les réponses apportées aux légitimes revendications des agents.
Une situation qui interpelle la ministre et son cabinet
Madame la ministre, le compte n’y est pas et loin s’en faut. Vous devez vous impliquer personnellement sur ces deux sujets et prendre l’initiative de réelles négociations visant à préciser jusque dans les détails les garanties attendues par les personnels. Nous pensons tout particulièrement au maintien des statuts et des plafonds d’emplois, et à l’engagement que ces réorganisations et travaux ne donneront en aucun cas lieu à des externalisations des fonctions aujourd’hui assurées par des agents publics. Tout doit être fait pour préserver l’avenir de ces grandes institutions. Vous allez procéder à des mécanos administratifs dont les conséquences et les effets ne peuvent pas vraiment être anticipés ; et cela vaut d’ailleurs pour ces institutions elles-mêmes comme pour leurs externalités.
Vous devez vous impliquer quoi qu’il en coûte en termes de disponibilité, de temps et d’énergie. Ces négociations, nous vous les demandons instamment au nom des agents en lutte et nous sommes disposés à y prendre toute notre part.
Madame la ministre, qu’avez-vous contre les fonctionnaires ?
S’agissant de l’emploi au ministère, la période est au remplacement d’un fonctionnaire sur deux par un contractuel et demain, possiblement par le recours massif à de l’auto-entreprenariat. Madame la ministre, qu’avez-vous contre les fonctionnaires ?
A Villers-Cotterêts, autre dossier à grande résonance, si nous saluons la création de 15 postes d’agents publics pour la billetterie-boutique, c’est bien la mobilisation syndicale qui a mis en débat l’importance de l’emploi public et le sens donné à la Fonction publique. Nous continuons à condamner le recours à l’externalisation des missions d’accueil, sécurité-sureté, maintenance et entretien, et jardins d’art, fonctions pour lesquelles, vous le savez, il existe des corps de fonctionnaires, des filières et des métiers ministériels à défendre. Un tel projet, imaginé depuis longtemps en haut lieu, aurait dû faire l’objet d’un plan de recrutement par concours et mobilités. Pourquoi faut-il que ce soit toujours dans l’urgence et au dernier moment que vous preniez en compte dans un projet culturel la dimension humaine essentielle à l’ouverture et à la relation aux publics ? Ce sont toujours les femmes et les hommes qui ont fait la richesse de notre service public culturel et pourtant ce sont eux qui arrivent en dernier dans votre comptabilité.
Emploi, salaires : les personnels mobilisés
Madame la ministre, le désengagement de l’État notamment à l’égard des établissements publics n’est pas sans conséquence sur la vie de ces personnels, souvent en première ligne, et aussi des usagers. Il faut constamment en passer par la mobilisation syndicale pour que les besoins sociaux en matière de salaires et d’emploi soient entendus.
- A l’Arc de Triomphe, il aura fallu 4 jours de grève pour obtenir une juste compensation des pertes de pouvoir d’achat liées à l’inflation, ainsi que des conditions d’emploi et de travail permettant de faire face à une affluence de plus en plus importante. Les usagers devront de leur côté payer une partie de la facture, le tarif d’entrée passant de 13 à 16 euros dès le 1er janvier prochain ;
- Au Louvre, les personnels ont dû se mobiliser pour conserver le montant des primes et compensations de fin d’année (chèques-cadeaux) que la direction prévoyait de rogner de 60 euros. Là aussi, le désengagement de l’État se traduira par une augmentation du billet d’entrée de 17 à 22 € au 1er janvier 2024 ;
- A Versailles, le prix du « passeport », qui est le billet le plus vendu, passera de 27 à 32 € ;
- A la Réunion des musées nationaux, alors que le résultat d’exploitation est bénéficiaire de 8M€, la direction rechigne à augmenter la valeur du point de seulement 10 centimes à 5,50 €, et persiste dans sa logique de compression des effectifs alors que les affaires sont florissantes ;
- Dans le registre des salaires, à l’Inrap seule la mobilisation des personnels a permis l’ouverture d’une négociation de revalorisation salariale dont le seul objet consiste dans la résorption des écarts de salaires entre les agents de l’établissement et les corps de fonctionnaires équivalents. Dans cet établissement aussi, le coût du jour/homme a été multiplié par deux en moins de 10 ans.
Un modèle qui met la démocratisation culturelle en péril
C’est donc un lourd tribut que doivent payer les établissements publics contraints de financer sur leurs ressources propres les mesures générales (augmentations successives du point d’indice) ainsi que les mesures catégorielles avec plus ou moins de facilité comme à la Bibliothèque nationale de France qui n’a toujours pas financé le rééchelonnement indemnitaire de ses fonctionnaires. On voit bien que le modèle économique des établissements publics est à bout de souffle.
Au passage, chacun comprendra aisément que les augmentations tarifaires qui découlent de ces choix politiques deviennent un obstacle insupportable à la démocratisation culturelle alors que c’est, accessoirement, la mission fondatrice du ministère de la culture depuis 1959.
Dialogue social, chiche ou encore…
Enfin, la liste des sujets énoncés au titre de la programmation des travaux du CSAM 2024, sur laquelle nous avons beaucoup de choses à dire, représente en soi un travail considérable. Les sujets ressources humaines énoncés sont nombreux et nous sommes résolus à les traiter avec rigueur. Mais le prisme RH ne peut pas être le seul filtre imposé à la concertation. Des sujets comme le handicap, l’égalité femmes-hommes ou encore celui des enseignants des écoles d’architecture et des écoles d’art, celui du repyramidage des filières métiers d’art et surveillance, sont en fait éminemment politiques et résultent en grande partie de choix et d’orientations du gouvernement auquel vous appartenez.
Permettez-nous de vous le dire, Madame la ministre, là encore les liens entre l’agenda social et les travaux de cette instance nécessitent une autre approche qui vous interroge directement. Dans la continuité de nos prédécesseurs, nous sommes prêts à ce dialogue loyal et transparent, et vous ?
Paris, le 7 décembre 2024