En avant première des vœux de Nicolas Sarkozy aux acteurs de la Culture à Nîmes le 13 janvier, Christine Albanel présentait ce jour à midi les siens aux agents du ministère à l’Opéra Garnier .
Conformément à leur engagement d’interpeller publiquement la Ministre sur sa politique de démantèlement du ministère et de destruction d’emplois, la CGT-Culture et SUD-Culture sont intervenus à cette occasion.
De très nombreux agents ont répondu à l’invitation de la Ministre…Et ont ovationné le déploiement dans l’escalier d’honneur des banderoles : « Non à la RGPP » – « Culture en danger » !!!
Manifestement la Ministre, en cette année du cinquantenaire, avait prévu d’aller coûte que coûte au bout d’un discours pathétique de justification de la RGPP. C’est ce qu’elle fit malgré les sifflets et la bronca.
Puis, refusant de nous donner la parole, elle disparut, entraînant ses principaux collaborateurs derrière elle.
La Ministre n’a pas donc pas voulu écouter la déclaration que vous trouverez ci-après.
Si tôt après le départ de la Ministre, des policiers en civil ont tenté d’interpeller Nicolas Monquaut (CGT) et Jean-François Hersent (SUD), porte-paroles de nos deux organisations…!
La CGT-Culture et SUD-Culture ont profité de ce rassemblement pour appeler l’ensemble des personnels à participer massivement à la grève interprofessionnelle du 29 janvier.
Vœux 2009 :
Quand Christine Albanel fait obstruction
à l’expression des personnels !
Madame la Ministre,
Vous permettrez à un grand nombre d’entre nous, venus aujourd’hui à votre rencontre, de ne pas souscrire à ce vibrant éloge de votre politique et des prétendues « réformes », hautement toxiques, que mène à la cravache le gouvernement dont vous êtes membre.
Vous nous permettrez d’y réagir en quelques mots.
Mais avant cela, nous tenons, en ce début d’année 2009 placé sous le signe de la récession économique mondiale, de la guerre, de la remontée dramatique du chômage et de la misère dans le monde et ici, en France, à adresser à toutes celles et ceux qui ne peuvent se résoudre à l’inacceptable, nos vœux de santé, de combativité et d’espoir.
Nous vous souhaitons, pour paraphraser Jacques Brel, « des rêves à n’en plus finir et l’envie furieuse d’en réaliser quelques uns, d’aimer ce qu’il faut aimer et d’oublier ce qu’il faut oublier, de résister à l’enlisement, à l’indifférence ».
Revenons à présent à votre action et à votre politique.
Nos deux organisations souhaitent d’abord affirmer solennellement devant tous ici réunis :
► que ladite « réforme » de l’audiovisuel public, dont vous vous félicitez, n’est rien d’autre qu’un mauvais tour de passe-passe et de la poudre aux yeux qui va conduire, malgré vos dénégations, à réduire la place de la télévision publique à la portion congrue faute de financements suffisants – notamment la redevance – et faire la part belle aux amis du Président et à leurs chaînes commerciales. Cette contre-réforme met très gravement à mal l’audiovisuel public et contribue à renforcer encore les menaces pesant sur l’indépendance, la diversité et le pluralisme des médias.
► que la nouvelle convention triennale de l’UNEDIC, malgré ce qu’en disent certains, va poursuivre son laminage des « intermittents », artistes et techniciens du spectacle.
► que les coupes claires dans le budget de la Culture mettent en danger l’existence même de nombreuses compagnies et contraignent les institutions à réduire leurs « marges artistiques », ainsi que l’ont dénoncé plusieurs organisations ayant participé aux « Entretiens de Valois ».
► que le désengagement politique et budgétaire de l’État à l’égard des structures culturelles de proximité fragilise toujours plus le tissu associatif local et les réseaux d’éducation populaire.
Non, le budget de la Culture n’est pas un bon budget.
Si vous n’aviez pas eu recours à l’affectation de ressources extra-budgétaires, celui-ci serait, hors dépenses de personnel et hors fonds de concours, nettement en baisse. Et s’ajouterait le gel habituel exigé par Bercy et l’Élysée. Qu’on ne s’attende donc pas à des lendemains heureux. Durant les 3 prochaines années (2009-2011), le budget continuera de régresser. Alors que le Président de la République et le gouvernement annoncent qu’ils vont déverser des centaines de milliards d’euros au profit des banquiers et des institutions financières, c’est, clairement, une immense menace qui pèse sur toutes les activités et secteurs culturels de notre pays.
Vous avez parlé, évidemment, du train de « réformes » que connaît actuellement le ministère de la culture.
Disons-le d’emblée, car il faut toutefois savoir être juste, tout n’est pas totalement négatif dans vos propos : vous avez cette fois encore, comme en de précédentes occasions, déployé tous vos efforts et mobilisé tout votre talent, toute votre science de l’écriture et des discours, pour soigner et tenter de remonter le moral des troupes.
Grâce aux profondes transformations que vous avez engagées dans le cadre de la RGPP, sous la haute autorité du Président de la République et du Premier ministre, un avenir radieux tendrait à présent les bras au ministère de la culture, à ses services et à ses opérateurs ; le sens et l’efficacité de leur action (avaient-ils disparu ?) seraient bientôt retrouvés. Grand merci !
Seulement, il y a un hic, et de taille ! Vous a-t-on dit que l’âge moyen des personnels du ministère est l’un des plus élevé des administrations de l’État et que l’on ne peut, par conséquent, les soupçonner de croire encore aux contes de Noël ?
Les aberrations et les lourds dangers de votre politique, les contre-vérités, les restrictions et les régressions dont ils ressentent déjà pleinement les effets, ceux-ci les ont parfaitement identifiées. D’ailleurs, un signe ne trompe pas : depuis plus d’un an, ils demeurent puissamment mobilisés pour défendre d’autres orientations fondées sur les besoins de la société et de nos concitoyens et non sur la casse sectaire de l’État, de ses missions, des structures et des compétences qui les portent.
Moderniser, renforcer, rénover, optimiser, réformes, performance, n’en jetez plus ! Abandonnez ce jargon médiocre et bien connu qui, répété en boucle à longueur de discours, n’a d’autre objectif que celui de parvenir, par lente imprégnation, à la domestication des esprits. Nous y résisterons de toutes nos forces, comptez sur nous.
Efficacité sociale, développement, exploration de nouvelles voies, de nouveaux « territoires », évolutions porteuses de progrès pour le ministère de la culture et pour ses multiples entités au service des publics, de la population, parlons plutôt de cela !
A votre régression générale des politiques publiques, nous opposons une relance générale des politiques publiques.
Si c’est en France que les politiques de la culture, les dispositifs publics et les formes de mutualisation des fonds ont été poussées le plus loin, beaucoup reste encore à faire indiscutablement : consolider ces acquis, évidemment, mais aussi parvenir à dépasser les limites rencontrées en réinterrogeant la politique d’organisation publique, sans la faire voler en éclats, et en assurant une véritable démocratisation de la décision, du contrôle et de l’évaluation associant véritablement les citoyens comme l’ensemble des « acteurs » de la culture. En un mot, penser le souffle de l’indispensable gouvernement de la chose publique. Nous n’y sommes évidemment pas fermés, c’est même tout le contraire. Vous n’êtes pas les modernes et nous, les archaïques.
Oui, il nous faut relever les défis d’un monde qui a bien changé, aux possibilités inouïes et démultipliées mais que l’aggravation des inégalités sociales, et bien plus gravement encore culturelles, bride. Ces failles sociales dans la culture bloquent les perspectives de transformation émancipatrice et entravent non seulement les efforts de diffusion des œuvres et biens culturels, mais assèchent le renouvellement des écritures et des formes.
La culture représente un investissement intellectuel et économique pour l’avenir d’un pays et d’une société. C’est un droit fondamental, et, par essence, une responsabilité publique.
Cela implique de renforcer et développer le service public de la culture – entendu comme complémentarité des actions de l’État et des collectivités -, garant de l’exercice effectif de ce droit, et de pérenniser les financements publics. Mais ce n’est pas du tout ce à quoi nous assistons actuellement à l’heure de la RGPP.
Comptant tout au plus 25 000 agents répartis sur l’ensemble du territoire national, et doté d’un budget représentant à peine 1% du budget de l’État, notre département ministériel est bien loin aujourd’hui d’avoir les caractéristiques d’une institution publique dispendieuse, aux ramifications tentaculaires, d’autant plus si l’on met ces données en regard des missions qui ont présidé à sa création : démocratiser la culture et la rendre accessible pour tous. Les moyens dont il dispose tant en terme de crédits d’intervention et de fonctionnement qu’en terme de personnel, sont, de notoriété publique, cruellement insuffisants compte tenu de l’ampleur de ses prérogatives et responsabilités pour et devant la Nation : la sauvegarde du patrimoine, son accessibilité et son appropriation par le plus grand nombre, un soutien primordial et incontournable à la création et au spectacle vivant, des missions d’enseignement supérieur, le déploiement d’un réseau opérationnel sur tout le territoire, … et nous pourrions développer davantage.
Comment pouvez- vous donc, dans ces conditions, imaginer sérieusement procéder à des réajustements ou réorganisations viables, ni décemment soutenir qu’il est possible de « faire mieux avec moins », sauf à mettre purement et simplement en péril ce ministère ?
En réalité, quel avenir préparez-vous pour ce département ministériel au travers de la RGPP, telle que vous la menez actuellement ? Les opérations de délestage, conjuguées à un compactage généralisé des directions ne permettant plus d’identifier les politiques publiques produiront sans nul doute, au final, une administration à l’échelle d’un petit Secrétariat d’État, dont on entend parfois dire qu’il pourrait bien finir par intégrer, ou être placé sous, un grand ministère de l’enseignement et de l’éducation : un véritable retour en arrière !…. Vous faites bien de vous référer à l’action et à l’impulsion d’André Malraux.
Réduction drastique des moyens d’intervention et de fonctionnement du ministère de la culture (au moins 1000 emplois en moins dans les 3 ans à venir), destruction de ses directions sectorielles, externalisations, abandon de missions, privatisation des activités les plus rentables, aucune mesure nocive n’est aujourd’hui laissée de côté pour tourner la page de l’État opérateur culturel, et de son engagement historique en matière de soutien et de promotion de la diversité culturelle, d’aménagement culturel du territoire.
Prenons ne serait-ce que l’exemple de l’archéologie préventive : RGPP, plan de relance, délocalisation du siège de l’INRAP, contrat pluriannuel de performance, loterie d’amendements à l’Assemblée nationale,… En quelques mois, vous venez non seulement de brader le patrimoine archéologique à des intérêts particuliers, mais en plus, vous cassez le service public le plus jeune du ministère.
En 2009, le ministère de la culture fêtera ses 50 ans dont les célébrations débutent le mois prochain, au moment où celui ci traverse probablement la plus grave crise de son histoire.
L’ancien Ministre, Jean-Jacques Aillagon, dont vous poursuivez directement la politique, ne se permet-il pas maintenant de déclarer dans un grand quotidien national qu’au train où vont les choses, la question de la suppression pure et simple du ministère de la culture peut se poser ?
Parce que nous savons toute l’utilité et toute la pertinence du ministère de la culture, acquis primordial, historique et irremplaçable de notre pays, parce que nous le défendons, ainsi que ses missions, au quotidien malgré nos faibles moyens, parce que nous l’aimons et parce que nous, nous n’y sommes pas de passage, nous n’accepterons jamais son affaiblissement ni son démantèlement.
Revenez sur les suppressions d’emplois que vous avez annoncées, stoppez et retirez vos réorganisations absurdes et aveugles. De grâce, entendez-nous.
La lutte continue !
Le 29 janvier sera une étape décisive dans le combat que nous menons contre la RGPP au ministère de la Culture.
D’ores et déjà, nous vous appelons à participer, ce jour-là, massivement à la grève et aux manifestations dans le secteur public comme dans le secteur privé, à l’initiative de toutes les organisations syndicales (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO, FSU, SOLIDAIRES, UNSA).
12 01 2009