Les attentats du mois de janvier ont jeté une lumière particulièrement dramatique sur les inégalités et les fractures sociales et culturelles qui traversent notre pays. La crise des sociétés occidentales est certainement une crise économique et du travail, mais c’est aussi une crise de sens et une crise de la représentation qui se propage sur le terrain de la précarité et de la pauvreté.
Nous avons plus que jamais un besoin vital de culture pour combattre les replis mortifères, le recours à la violence, le retour préoccupant des idées nauséabondes, et tous les extrémismes. La culture n’est ni une marchandise ni un supplément d’âme, elle est essentielle à la rencontre, au partage, à la construction d’un monde libre, divers et heureux. La culture est indispensable au renouvellement de la démocratie.
L’essor d’une démocratie culturelle passe nécessairement par des politiques publiques culturelles fortes, clairement assumées par la puissance publique. Mais à rebours de cet objectif incontournable, l’Etat, depuis l’alternance de 2012, poursuit dans la voie du désengagement et de la dérégulation. Ces orientations libérales mettent en péril les politiques culturelles. Elles nuisent gravement à l’effort engagé par les territoires dans le développement de la culture depuis trente ans et font obstacle au renforcement, pourtant lui aussi déterminant, de l’action partagée et complémentaire de l’Etat et des collectivités territoriales.
Ce désengagement que nous dénonçons s’inscrit dans la logique aveugle et destructrice de la « réforme » de l’Etat. Ces mesures nocives et de longue durée se conjuguent aujourd’hui avec une réforme territoriale arbitraire. Menée tambour battant, elle menace de nombreux services publics au moment où les populations en ont tant besoin et où les usagers réclament plus de proximité et, une fois encore, plus d’écoute et de démocratie.
Dans ce paysage de la culture très détérioré, le ministère de la Culture, pierre angulaire des politiques publiques culturelles, n’est pas épargné. Sous les effets additionnels de la « réforme » de l’Etat et la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe), les Directions régionales des affaires culturelles (DRAC) sont directement menacées de disparition alors qu’elles sont un outil remarquable au service de l’égalité de traitement des hommes et des femmes devant la culture sur l’ensemble du territoire. Les DRAC emploient 2450 agents forcément inquiets pour leur avenir.
Si le ministère de la Culture doit se repenser pour répondre aux enjeux actuels, nous ne pouvons tolérer qu’il glisse peu à peu vers une politique de l’offre et qu’il soit soumis à la loi du marché au risque de dégâts considérables pour le service public, comme en atteste notamment la mise en concurrence de l’archéologie préventive ou encore la dérive entrepreneuriale des musées et monuments nationaux.
Pour la culture, pour ses professionnels et ses acteurs, pour les artistes et créateurs, la situation est à présent tout à fait critique. Comme si la stigmatisation des intermittents du spectacle n’y suffisait pas, ce sont à l’heure actuelle près de 150 festivals et structures qui sont annulés, supprimés et fermés dans les domaines, entre autres, de la musique, du théâtre, de la danse, des arts plastiques, des arts de la rue, de la littérature, ou encore les Maisons des Jeunes et de la Culture (MJC). Cette hécatombe consécutive à la suppression de subventions publiques et à la réorganisation des régions conduit à la perte de dizaines de milliers d’emplois et à la fragilisation de tout un tissu économique, direct ou indirect.
Au-delà des décisions budgétaires et de l’austérité à tous les étages, certaines collectivités se livrent à une véritable censure d’artistes.
De même l’audiovisuel public est soumis à une série d’injonctions paradoxales : d’un côté revoir ses missions, repenser ses programmes de fond en comble, de l’autre affronter une toujours plus importante amputation de ses moyens ; d’un côté une exigence de service public, de l’autre une gestion d’économies à court terme et des atteintes au pluralisme d’opinion, à France TV, à Radio France…
Le monde de la culture a toujours su faire preuve d’une forte capacité de mobilisation et de résistance. Ce sont justement aujourd’hui cette même urgence et ces mêmes valeurs qui sont à l’ordre du jour.
La culture est une priorité pour toute la CGT. La CGT porte l’exigence de démocratie culturelle dans ses orientations et revendique une loi de programmation et d’orientation pour la culture, bien plus ambitieuse que le projet de loi « Liberté Création Architecture Patrimoine » qui arrive bientôt (et enfin) au Parlement. C’est pourquoi la confédération soutient pleinement le combat de l’ensemble des professionnels et des personnels de la culture.
Montreuil, le 28 mai 2015.